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intéressés et à courte vue, des auxiliaires plus ou moins inconsciens de sa politique, qui s’opposeraient à tout retour de Pitt aux affaires et à toute reprise des hostilités.

Cette disposition commune à ne rien déterminer, définir ou approfondir facilita singulièrement les choses. Mais on ne s’entendit, en réalité, que sur un malentendu. On ne rédigea qu’une convention trouée, en quelque sorte, où la paix s’échappait entre toutes les lignes, qu’on ne négociait que dans l’arrière-pensée de la rompre, qu’on ne devait ratifier que dans les restrictions mentales.

Ces préliminaires, conclus très vite, préparèrent une trêve trompeuse et courte. Ils excluaient de l’entente superficielle les causes profondes de discorde qui avaient amené et entretenu la guerre ; ils passaient sous silence les conflits qui avaient rendu la paix si longtemps impossible et qui, subsistant, la devaient si vite détruire.

Ces préliminaires fallacieux furent signés à Londres le 1er octobre 1801. L’Angleterre devait, à la paix, garder Ceylan prise à la Hollande, la Trinité prise à l’Espagne. Elle posséderait le Cap, en condominium avec les Hollandais. Elle restituerait les autres colonies conquises sur la France et sur ses alliés. Malte serait rendue aux chevaliers, sous la garantie d’une grande puissance. Les points occupés par les Anglais sur les côtes de l’Adriatique et de la Méditerranée seraient évacués. L’Egypte serait restituée aux Turcs. L’intégrité du Portugal serait garantie ; l’indépendance des îles Ioniennes reconnue. La France évacuerait Naples et les États romains. La question des pêcheries de Terre-Neuve serait réservée. Rien sur le commerce. Rien sur les limites de la France, telles que la paix de Lunéville les avait reconnues ; rien sur Saint-Domingue ni sur la Louisiane ; rien sur le Piémont, ni sur l’établissement des Français à Flessingue, ni sur l’occupation militaire de la Hollande, de la Cisalpine, de la Suisse ; ni sur le Hanovre, ni sur la réorganisation de l’Allemagne.

N’étant lié par rien, Bonaparte s’accommoda de façon à se présenter aux négociations de la paix définitive le plus avantageusement qu’il pourrait. le 6 octobre, il organisa les troupes coloniales « pour les îles d’Amérique ; » le 8, il ordonna l’envoi à Saint-Domingue de douze vaisseaux avec 7 000 hommes et manda à Leclerc de se rendre « en toute diligence à Paris, avec