Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/497

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Monde. » « Il faut absolument, à quelque prix que ce soit, que nous devenions maîtres de la Méditerranée. » Cependant, la Russie entraînera la Prusse. La France formera des armées sur les côtes, en Hollande, en Bretagne, en Corse. « Alors l’Angleterre sera sans aucune communication avec le continent. Les trois puissances alliées, la France, l’Espagne et la Hollande, doivent profiter de la circonstance pour frapper quelque coup qui fasse changer l’aspect de la guerre[1]. »

Les Espagnols s’exécutent. Le 29 janvier 1801, ils s’engagent à envahir le Portugal ; le 21 mars, Bonaparte fait un roi d’Étrurie avec l’infant de Parme ; il réunit Parme et Plaisance à la République et recouvre la Louisiane. Le 28, il signe la paix avec le roi de Naples et s’assure le droit d’occuper ce royaume avec 10 000 hommes « pour mettre un frein aux usurpations maritimes de l’Angleterre. » Les Français seront à Otrante et à Brindes « pour se rendre en Égypte. » C’est Murât qui, à la tête de son armée, a décidé l’affaire. Ferdinand fut si terrifié du panache et si charmé, à la fois, de la belle humeur du beau-frère du Consul, qu’il exprima le vœu de le voir chargé de la négociation. Il y trouverait, écrivit Murât, non moins inconscient de l’avenir que ce Bourbon, « une preuve certaine de l’intention que vous avez de le maintenir dans le royaume de Naples ! » Voilà donc Bonaparte en mesure sur les côtes de la Méditerranée. Quant à l’Égypte, disait-il à l’envoyé russe Kolytchef, le 28 mars, « c’est le prix du sang le plus pur des Français… C’est la seule possession au moyen de laquelle la France puisse parvenir à balancer un jour l’énorme pouvoir maritime des Anglais aux Indes… Les Turcs, dans l’épuisement où ils sont, que peuvent-ils nous opposer ? Nous en ferons ce que nous voudrons… »

  1. « L’alliance de la Hollande offre un résultat peut-être le plus intéressant de tous, celui d’exclure les Anglais du continent… L’Angleterre devient fort embarrassée de ses denrées… et les Anglais se trouvent vaincus par l’abondance comme ils ont voulu vaincre les Français par la disette… Nous désirons fort que (l’Espagne) sente comme nous l’importance d’un traité qui, suivi bientôt de l’accession du Portugal, pourrait fermer à notre ennemi commun les portes du continent européen, depuis Gibraltar jusqu’au Texel, chasser les Anglais de la Méditerranée. » — Le Comité de Salut public : Instructions de Noël à la Haye, août 1795 ; Instructions à Barthélémy, 27 août ; 4 septembre 1795, minute de Sieyès et minute revue par Sieyès.