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En même temps, le 21 mars, lord Hawkesbury écrivit au diplomate français Otto, envoyé à Londres pour traiter d’un échange de prisonniers, que le gouvernement anglais serait disposé, si la France était dans les mêmes intentions, à ouvrir des négociations pacifiques.


II

Il fallait, en revanche, à la France, privée de marine, que le commerce neutre fût libre, que la mer fût ouverte, que les embouchures des grands fleuves fussent fermées aux Anglais ; elle y arrivait par le seul élément dont elle disposât alors, la terre, et par sa force réelle, les armées. Pour conclure la paix, telle qu’il la veut, et l’exploiter dans l’intérêt de la France, Bonaparte tâche de rompre d’avance et de rendre, en tout cas, inefficace toute coalition que l’Angleterre essaierait de renouer.

Les ressources de la politique ne sont point infinies. Celles qui s’offraient à Bonaparte, en 1801, étaient les mêmes qu’avaient aperçues, en 1793, les promoteurs de la guerre ; qui s’étaient imposées au Directoire, en 1797, après Campo-Formio : une descente en Angleterre, ou la coalition du continent contre les Anglais.

On va voir Bonaparte, en cette seconde tentative de réduire les Anglais à la paix continentale de la France, esquisser et tenter toutes les combinaisons qui devaient remplir les douze premières années du siècle : l’Allemagne étant soumise, c’est l’occupation de Naples, la domination de l’Espagne, la conquête du Portugal et l’alliance russe. L’année 1801 vit un premier Tilsitt, né des mêmes nécessités que le second et qui en découvre déjà la chimère et les infirmités.

L’intérêt pour Bonaparte de conclure la paix, la paix splendide, dans les « limites naturelles, » et de l’exploiter pour la suprématie et la prospérité de la France, ne se discute pas : c’est l’évidence même. C’était sa raison d’être au pouvoir ; c’était la garantie de son gouvernement. La paix partout : dans la société, par le Code civil ; dans les âmes, par le Concordat ; la réorganisation du travail, de l’industrie, du commerce, du crédit de la France ; voilà le programme du Consulat, et l’avenir du