que nous avons déjà exposés et pour quelques autres encore, M. le ministre des Finances n’était pas disposé à en aborder le débat. Il est à peine installé : ne fallait-il pas lui donner le temps de préparer un nouveau projet ? On sait ce que sera ce projet dans ses lignes générales. Ce ne sera pas un impôt de superposition, mais bien un impôt de remplacement : il se substituera à quelques-unes de nos anciennes taxes, probablement à l’impôt personnel mobilier et à l’impôt des portes et fenêtres, qui sont déjà eux-mêmes des impôts sur l’ensemble du revenu. Mais tout cela ne peut pas s’improviser. La déclaration ministérielle a promis qu’un projet serait déposé avant la fin de l’année : c’est tout ce qu’on peut dire pour le moment. Il fut un temps où la gauche radicale et socialiste ne se serait pas contentée de promesses aussi vagues, et, certes, elle ne l’aurait pas fait non plus aujourd’hui, si elle avait eu en face d’elle un gouvernement modéré. Mais elle avait l’oreille encore pleine des paroles sonores et menaçantes de M. Combes contre « l’obédience monacale. » Son cœur aussi en était charmé et désarmé. En conséquence, M. Jaurès a déposé une sorte d’ordre du jour dans lequel la Chambre prenait acte de la promesse du gouvernement de déposer avant le 31 décembre un projet d’impôt sur le revenu susceptible de servir de point de départ à une discussion sérieuse et à une réforme efficace. Tout le monde a été de son avis. M. Jaurès a eu le précieux avantage de réunir non seulement la majorité, mais l’unanimité de la Chambre, ce qui est beaucoup trop beau pour durer. L’unanimité de la Chambre ne se forme jamais que sur un malentendu ou sur un ajournement.
On ne saurait trop s’émerveiller de l’esprit officieux que déploient les socialistes, lorsqu’ils s’y mettent. Il n’y a pas de meilleurs ministériels : ils l’ont déjà prouvé dans la dernière Chambre, et paraissent devoir le prouver une fois de plus dans la nouvelle. Ils n’ont même pas entendu les protestations de M. Pelletan contre M. Rouvier, et les ont laissées tomber dans le silence. Ils ont écarté d’une main agile toutes les pierres d’achoppement qui auraient pu se rencontrer sous les pas du ministère. Ils lui ont fait un horizon clair et un ciel serein. Ils lui ont assuré des vacances heureuses et tranquilles. Et si, avant la fin de ces vacances, M. Combes leur sacrifie encore quelques congréganistes, ils reviendront les mains pleines d’indulgences à son égard.
Si nous abandonnons la Chambre pour nous tourner du côté du Sénat, celui-ci a fait une bien mauvaise besogne en votant les deux