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lois antérieures relatives à l’enseignement. Elle n’y touche même pas, assurait-il. A l’entendre, il n’y avait pas un seul jurisconsulte qui pût en douter. Cependant la loi était à peine votée qu’un travail a commencé dans le gouvernement lui-même pour l’interpréter tout autrement que ne l’avait fait M. Waldeck-Rousseau à la tribune, et celui-ci a fini par se laisser convaincre qu’il n’était qu’un pauvre jurisconsulte et n’avait rien compris à la loi qu’il avait défendue. Pour cela, on a fait intervenir le Conseil d’État, qui, sur le rapport de M. Jacquin, a émis un avis conforme à la thèse gouvernementale ; mais il ne l’a pas fait sans résistance. On sait que la haute assemblée s’est partagée à peu près exactement en deux portions égales et que, sans l’action énergique et le vote des fonctionnaires qui en font partie, la majorité ne se serait pas prononcée dans le sens de M. Jacquin. Elle l’a fait ; soit ! Mais enfin elle n’a émis qu’un avis ; et, quelle que soit l’autorité morale qu’on y attache, cet avis, qui a plus ou moins bien guidé le gouvernement dans ses démarches ultérieures, ne pouvait pas avoir à l’égard des tiers intéressés la valeur d’une décision ferme. Une consultation éclaire les juges, mais n’est pas un jugement. Les congrégations avaient donc le droit de rester dans le statu quo jusqu’à ce que les tribunaux compétens eussent prononcé. Elles demandaient des juges, on les leur a refusés. Leurs établissemens ont été fermés par autorité administrative. Appelé à s’expliquer à ce sujet, M. Combes a répondu avec franchise : on peut lui contester d’autres qualités, mais non pas celle-là. Ces jurisconsultes dont M. Waldeck-Rousseau parlait avec respect, comme un homme de la confrérie, M. Combes en fait fi. Il n’a pas rompu avec la théologie pour s’embourber dans la chicane ! Il a la prétention d’être un homme d’État et d’aller droit au fait ! Aussi s’est-il contenté de dire qu’il était le plus fort. Il a invoqué les droits de haute police, qui appartiennent, a-t-il dit, à tout gouvernement, et qui l’autorisaient à fermer tous les établissemens qu’il voudrait : il a même fait entendre que ce commencement aurait une suite, résolu qu’il était d’assurer « la victoire de l’État laïque sur l’obédience monacale. » Son discours a été fort applaudi. Il flattait les tendances jacobines de la Chambre, le jacobinisme consistant surtout à mettre la force à la place de la liberté. A quoi bon laisser résoudre une question par les tribunaux, lorsqu’on peut la trancher par des moyens de police ? Telle est la théorie de M. Combes et telle a été sa pratique. D’un seul coup, il s’est acquis les faveurs de l’extrême gauche qui, il faut bien l’avouer, hésitait à les lui accorder. Sa déclaration ministérielle avait été jugée terne. Mais son acte de vigueur contre les