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marins ne paraissent pas s’être beaucoup déplacés depuis plus d’un siècle ; ils semblent même avoir acquis une certaine fixité. La prépondérance du flot sur le jusant, des vents d’Ouest sur les vents d’Est, des courans, des eaux venant de la Manche sur ceux venant de la mer du Nord et l’étranglement du Pas de Calais concourent à donner à tous les troubles en suspension une marche lente et régulière de Calais à Dunkerque et à Ostende et à favoriser leur dépôt principalement sur la côte flamande où le flot se porte plus directement que sur la côte anglaise. Mais d’une manière générale, les fonds qui dépassent les profondeurs de 20 mètres, qui ne sont plus balayés par les vagues de la surface et où le calme règne d’une manière à peu près absolue, ne paraissent guère s’être exhaussés que de 1 ou 2 mètres au plus depuis le commencement du siècle[1].

La plaine sous-marine sur laquelle reposent ces traînées de dépôts a pris la forme d’un éventail à peine ouvert dont la poignée occupe la partie la plus resserrée du détroit, et entre les lames très peu divergentes de cet éventail se maintiennent des sillons d’une profondeur presque constante. Cette succession de hauts-fonds et de fosses très allongées et presque parallèles donne au relief du fond de la mer, entre le continent et la Grande-Bretagne, la forme ondulée d’une sinusoïde. Du côté de l’Angleterre, ces bancs sous-marins portent le nom de « Goodwin-sands » et protègent la rade des dunes ; du côté de la France on les appelle « les bancs de Flandre » et ils couvrent la rade de Dunkerque[2].

Ces bancs de Flandre présentent six lignes à peu près parallèles. En venant du large, on rencontre d’abord la lisière extérieure formée par les bancs de « l’Out-Ruytingen » et de « l’In-Ruytingen ; » à la suite la partie orientale qui porte sur quelques cartes le nom de « Chiff d’Islande » et qui est séparée des bancs Ruytingen par un chenal large et profond. La troisième ondulation est celle des bancs « Ratel, » la quatrième celle des bancs « Breedt, » la cinquième est le « Smal-Banck ; » la sixième enfin, la plus rapprochée du continent, est formée d’une série de bancs soudés les uns aux autres et qui portent les noms de « banc de Mardick, banc de Snouw, » de « Braeck-Banck, » de « Hill-Banck » et de « Traepegeer, » ce dernier venant se souder à

  1. Delesse, Lithologie du fonds des mers.
  2. Jonglez de Ligne, La rade et les bancs de Flandre, 1864.