Le port fut un moment, sous Louis XIV, à l’apogée de la fortune ; et pendant près d’un demi-siècle, les travaux de la place occupèrent la vie de l’illustre Vauban. Le grand ingénieur donna à la ville et à ses bassins une extension considérable. Ces travaux ne tardèrent pas à inspirer aux Anglais des craintes sérieuses, et la ruine de Dunkerque devint dès lors une de leurs principaux objectifs. Les revers de la France leur permirent d’obtenir adroitement par des traités ce qu’ils n’auraient pas gagné par les armes. Louis XIV, qui avait dû déjà payer 5 millions de livres pour rentrer seulement en possession de la ville perdue, fut obligé d’accepter les plus dures conditions. « Le roi très chrétien, portait l’article 9 du traité d’Utrecht signé le 11 avril 1713, fera raser les fortifications de la ville de Dunkerque, combler le port, ruiner les écluses qui servent à son nettoiement, le tout à ses dépens et dans le terme de cinq mois après la paix conclue et signée, savoir : les ouvrages de mer dans l’espace de deux mois, et ceux de terre avec lesdites écluses dans les trois mois suivans, à condition encore que lesdites fortifications, port et écluses, ne pourront jamais être rétablis. »
Brisé mais toujours résistant, le vieux roi voulut atténuer cette douloureuse humiliation en faisant percer, au travers des remparts abattus de Dunkerque, le canal maritime de Mardick dont un ingénieur espagnol, Florent van Langren, avait donné la première idée un demi-siècle auparavant. Mardick, qui n’est plus aujourd’hui qu’un fort déclassé, avait été, bien antérieurement à Dunkerque, un petit havre assez fréquenté ; et nous avons vu que les archéologues croient même que ce fut la principale station navale des dunes à l’entrée du bras de mer qu’on appelait le Sinus Itius. Il est certain que le port existait encore au moyen âge. Le rétablir était chose assez facile. C’est ce qu’on s’empressa de faire. Le canal n’avait qu’une longueur de 6 kilomètres de la ville à la mer et présentait seulement deux alignemens à angle droit ; sa largeur était de 60 mètres, sa profondeur de plus de 6 mètres. A son extrémité, on établit une écluse pouvant recevoir les plus grands vaisseaux. En aval de l’écluse, le canal traversait l’appareil littoral des dunes et se prolongeait en mer sous la protection de deux grandes jetées qui le défendaient contre l’ensablement. L’œuvre était considérable et elle fut menée à bonne fin en moins de deux ans. Ce n’était plus Dunkerque sans doute ; mais le mouillage était le même et dans la