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amélioration en régularisant le cours de l’Aa qui divaguait un peu partout dans la lagune et se jetait à la mer près du village d’Oye, à 6 ou 7 kilomètres à l’Ouest de son embouchure actuelle, et en le faisant déboucher du côté des Huttes. Ce redressement artificiel de l’Aa, qui est resté le cours de la rivière actuelle, fut à juste titre appelé le « canal du Comte, » en flamand gravelinghe, et c’est de là qu’est venu le nom de Gravelines. Le petit fleuve allait ainsi droit à la mer ; il faisait, au pied de Saint-Willebrode qui venait d’être entouré d’une première enceinte, une sorte de bassin qu’on appela Port-Neuf, et ce fut l’embryon du port actuel. Malgré tous les efforts tentés par les Espagnols au cours de leur occupation, ce port ne paraît avoir jamais eu une sérieuse importance ; et, trois ans après l’abdication de Charles-Quint, le roi Philippe II l’abandonna à peu près et décida de construire tout d’une pièce un établissement maritime complet à l’embouchure même de l’Aa, comprenant une citadelle, une écluse à deux pertuis et un bassin à flot permettant de remiser à l’abri de l’ennemi une trentaine de vaisseaux de ligne de l’époque. La mort ne lui permit pas de réaliser son programme ; mais ce fut l’œuvre de son successeur. Le port et la citadelle prirent naturellement le nom de Fort-Philippe et l’ont même conservé. Mais le port et l’écluse ne devaient pas aboutir ; et, en 1638, alors que les travaux touchaient presque à leur fin, Fort-Philippe fut surpris par les troupes françaises qui tenaient garnison à Calais. Une brèche fut pratiquée dans le bâtardeau de l’écluse encore en construction ; les chantiers des Espagnols furent inondés, bouleversés, et tous les travaux anéantis.

Sept ans plus tard, en 1644, Gaston, Duc d’Orléans, s’emparait de Gravelines. En 1652, tes Espagnols faisaient un retour offensif qui leur rendit un moment la possession de leur ancienne ville ; mais cette dernière occupation devait être de courte durée ; et, en 1658, Turenne, après la bataille des Dunes, détachait de son armée le maréchal de la Ferté et la ville fut investie. Ce fut le premier siège que l’illustre Vauban dirigea en personne. Malgré les difficultés de l’approche dans une plaine de boue tout inondée, la capitulation eut lieu après vingt jours de tranchée ; et, le 7 novembre 1659, la ville et le port furent pour toujours acquis à la France par le traité des Pyrénées.

Le port actuel de Gravelines peut être considéré comme l’œuvre de Vauban, et la ville elle-même est un des types les