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terres jusqu’à Watten, puis s’engageait dans un défilé assez étroit et s’évasait ensuite largement pour former le grand lac de « Sithiu », dont l’ancien niveau se reconnaît encore à la surface horizontale des dépôts que ses eaux troubles ont laissés. Au fond, sur la rive, était une ancienne ville gallo-romaine dont le nom primitif était probablement le même que celui du lac et qui est devenue Saint-Omer.

La petite ville de Saint-Omer a donc été un véritable port où les navires pouvaient accoster directement ; et, en creusant le sol pour élever les murs de sa citadelle, en remaniant par la culture les couches d’alluvions qui l’entourent, on a trouvé, à diverses reprises, des ancres et de vieilles carènes englouties comme on en rencontre quelquefois tout le long de la côte. Ce nom de « Sithiu » rappelle, comme nous l’avons déjà fait observer, celui d’Iccius ou d’Itius de l’époque gallo-romaine ; mais un vieil érudit du commencement du XVIIe siècle a cru y trouver une certaine parenté avec celui de Mardick latinisé, Mardic-cius. Les géographes sont d’ailleurs aujourd’hui d’accord avec les géologues pour reconnaître que Saint-Omer était le point terminus de la navigation dans le golfe graduellement atterri par les eaux limoneuses de l’Aa et aujourd’hui à peu près fermé, du côté de la mer, par la longue barrière de dunes qui court de Calais à Dunkerque.


II

Cette Morinie était donc une immense lagune, au milieu de laquelle émergeait un archipel d’îles, et qui était ceinturée par un chapelet de légères éminences sur lesquelles devaient plus tard s’élever les petites villes d’Ardres, d’Audruick, de Watten, de Bergues, de Hondscoote et de Saint-Omer. Quelques-unes de ces îles même, si l’on en croit des souvenirs encore assez récens des habitans du pays, étaient, comme celles qui descendent les grands fleuves d’Amérique, des îles flottantes, amas de feuilles et de roseaux, de branches desséchées et de débris agglutinés entre eux, sortes de radeaux mobiles sur lesquels la végétation avait pris une certaine importance, vaguant un peu au hasard sur la grande lagune comme des lambeaux détachés de la côte voisine. On en voyait encore quelques restes au siècle dernier aux environs de Saint-Omer. La dernière de ces îles flottantes,