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dunes que les vagues et les vents avaient amoncelées un peu partout sur le rivage. Il s’est ingénié à fermer les intervalles existant entre ces dunes ; et, si l’on en croit Faulconnier, l’un des plus vieux et des plus érudits historiens du Pas-de-Calais, le petit peuple des Diabintes — c’était le nom que portait le groupe de la grande tribu des Moërs qui habitait spécialement la région maritime où s’est développée la ville de Dunkerque, — construisait déjà, vers la fin du règne de l’empereur Auguste, les premières écluses qui devaient assurer l’ouverture et la fermeture des issues réservées entre les dunes pour l’écoulement des eaux. « Parmi ces écluses, dit-il, les unes consistaient en une porte à coulisses qu’on levait pendant la basse marée pour faire écouler, durant quatre heures, les eaux de la mer dans leur lit naturel, et qu’on abaissait à la haute mer pour empêcher leur passage dans les terres ; les autres étaient comme deux battans de porte qui s’ouvraient par le courant des canaux et qui se fermaient d’eux-mêmes par l’effet du reflux[1]. »

En l’absence de textes classiques et de documens techniques précis, il est difficile d’avoir des notions un peu exactes sur ce ‘que pouvaient valoir ces écluses. Ce que nous savons d’ailleurs des procédés de construction des anciens nous autorise à croire que ces ouvrages devaient être très rudimentaires et éprouver de bien fréquentes avaries, pour ne pas dire une dislocation complète, lorsque les vagues venaient affouiller le pied des dunes dans lesquelles ils étaient fondés d’une manière très certainement fort médiocre. Les désastres si nombreux que l’on a vus se produire sur toute la ligne de défense de la Flandre maritime à des époques encore assez rapprochées de nous, alors que l’industrie et le génie modernes avaient perfectionné d’une manière si remarquable tous les travaux d’art de cette nature, permettent d’affirmer que les écluses des Morins ou des Diabintes devaient être de simples barrages qu’on élevait à la hâte, à l’époque des grandes marées, pour empêcher l’inondation générale du pays ; qui ne se fermaient pas régulièrement et automatiquement comme nos écluses modernes ; et que l’on devait renouveler bien souvent si on voulait être à l’abri des irruptions de la mer et assurer, pendant la saison des pluies, un écoulement temporaire dans la plaine en grande partie submergée.

  1. Faulconnier, Description historique de la ville et du port de Dunkerque 1730.