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CHEZ
LE
MAHARAJAH DU TRAVANCORE


I

20 décembre. — Voici le soir, le temps de paix et de fraîcheur qui soudainement commence après la brusque tombée du soleil. Je me repose depuis quelques instans à Palancota, un village ignoré où je dois passer la nuit. Et c’est ici que, pour la première fois, je me sens vraiment dans l’Inde — et vraiment loin à ce déclin du jour, sous ces arbres, au milieu de ce silence.

Après une halte d’une semaine dans l’île verte et mouillée de Ceylan, où le paquebot de France m’avait conduit, j’ai traversé la nuit dernière, sur un mauvais navire de la côte, ce golfe de Manaar où la mer bouillonne sans cesse ; puis, tout le jour, j’ai roulé très vite jusqu’à ce village où nu délégué de Son Altesse le Maharajah du Travancore est venu m’installer dans une maisonnette blanche, à l’ombre épaisse des feuilles.

Demain donc, je partirai, en charrette indienne traînée par des zébus, pour me rendre dans ce pays de Travancore par où doit commencer mon voyage, pays qu’on appelle aussi « Terre de Charité » et qui est, paraît-il, une région de tranquillité heureuse, restée sans communication avec les affolés de ce siècle ; une région isolée et épargnée, sous des voûtes de palmes.

Nuit close à présent ; exquise nuit d’été, mais nuit sans lune. On m’emmène en voiture regarder aux lumières un temple brahmanique, le plus grand des temples du Sud, qui est là, dans une ville très voisine nommée Tinnevelly.