Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quent, insécables physiquement. Quoique la raison puisse les concevoir divisées, le fait naturel est qu’elles ne le sont point. C’est ainsi que Newton, après Leucippe, Démocrite et Lucrèce, se représentait la division des corps et leurs parties les plus petites.

Newton a appliqué à l’air lui-même cette conception, et il l’a envisagé comme formé de particules dures, incompressibles, écartées les unes des autres. Il les a supposées séparées par une distance qui, à la pression ordinaire, serait égale à neuf fois leur diamètre ; de telle sorte que, si l’on réduisait chaque dimension de la masse gazeuse à son neuvième, et par conséquent le volume total à la sept cent vingt-neuvième partie de ce qu’il est dans les conditions ordinaires, en le soumettant, par exemple, à la pression de 729 atmosphères, les atomes seraient au contact, et la masse formerait un bloc inattaquable. Cette supposition sur l’intervalle des molécules de l’air et la conséquence qui en résulte sont des erreurs. Newton s est encore écarté des idées qui sont devenues celles de notre temps, en imaginant la particule ultime des corps comme continue, massive, incompressible.

Lord Kelvin a considéré comme monstrueuse cette supposition de Lucrèce et de Newton de fragmens de matière infiniment durs et éternellement rigides. Elle n’est justifiée, en vérité, qu’en ce qu’elle fournit une image et une explication de la conservation et de l’inaltérabilité indéfinie de la matière. Lord Kelvin a pensé qu’on pouvait arriver au même résultat en admettant, comme Descartes et Helmholtz, comme élémens des corps des tourbillons.

La particule ultime insécable, que les anciens appelaient atome, correspond en réalité à la molécule des physiciens modernes. Elle est bien vraiment « la plus petite partie qui soit encore semblable au tout et qui n’en diffère que par les dimensions. » Ce n’est point du tout notre atome chimique Le même nom recouvre ici des choses différentes : source de confusion ! Nous admettons aujourd’hui que la molécule, — c’est-à-dire l’atome de Démocrite et de Lucrèce, — est décomposable en atomes chimiques. À la vérité, ceux-ci ne peuvent soutenir une existence indépendante et subsister isolément, — sauf ceux peut-être du cadmium et du mercure. Aussitôt libérés, ils s’attachent à des atomes similaires pour former des molécules de corps simples ou à des atomes dissemblables pour former des molécules de corps composés. Il n’en est pas moins vrai qu’ils sont des parties