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« ville de la Gaule sur la mer. » On les retrouve enfin dans un texte d’Olympiodore qui dit que Bononia est le premier port du littoral gaulois, et dans les Notices des Provinces, qui divisent l’ancien territoire des Morins en deux cités : celle des Morins et celle des Boulonnais, civitas Murinorum et civitas Bonuniensium.


IV

La ville et le port moderne de Boulogne occupent aujourd’hui, sur une grande largeur, les deux rives de l’estuaire de la Liane et les pentes des coteaux qui les dominent. La situation est toute différente de celle des temps anciens. La rade foraine est limitée au Nord par la pointe de la Crache, au Sud par le Cap d’Alpreck et les rochers de l’Heurt et de l’Inheurt. Elle est très ouverte et assez mal abritée, contre la houle et les vents du large, par le long banc sous-marin qui court à 5 kilomètres parallèlement à la côte, et qu’on appelle la « Bassure de Baas. » Mais là,, comme partout où l’estuaire est flanqué de hautes falaises, l’action destructive des vagues et les amoncellemens de matériaux charriés par le fleuve ont profondément modifié l’état des lieux.

Nous avons décrit ailleurs les transformations qui se produisent à toutes les embouchures des cours d’eau dans les mers mortes et sans marée. Le fleuve remblaie peu à peu sa vallée intérieure. A mesure que sa pente diminue, sa vitesse se ralentit ; elle s’amortit complètement à la rencontre de la masse tranquille des eaux marines, et les matériaux entraînés se déposent tout autour de l’embouchure, opérant ainsi un énorme travail de remblai et formant une barre, qui s’accroît sans cesse et finit par devenir une plaine basse d’alluvions. Cette plaine présente ordinairement la forme d’un delta qui est comme une île à peu près flottante. Mais la végétation ne tarde pas à la fixer, et elle y prend quelquefois un magnifique développement. C’est une véritable conquête de la terre sur la mer.

Tout autre est, en général, l’embouchure des grands fleuves océaniens quand ils présentent surtout un très large estuaire. Le flux et le reflux y produisent sans cesse des courans alternatifs qui balayent le fond du thalweg et y entretiennent une passe souvent variable. Cette passe peut bien présenter en certains