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existaient à l’origine de notre ère entre la Celtique et la grande île de Bretagne, indiquait très exactement les quatre itinéraires régulièrement suivis et qui naturellement devaient avoir pour point de départ un port spécialement aménagé. Le géographe classique dit que l’un de ces ports était aux embouchures du Rhin. « Il est vrai, ajoute-t-il, que les voyageurs partant de la région du Rhin ne s’embarquent pas à l’estuaire même du fleuve, mais bien au pays des Morins, limitrophes des Ménapiens. C’est chez les Morins qu’est Itium, dont le port servit de lieu d’embarquement au divin César pour passer dans l’île. César mit à la voile pendant la nuit, et il arriva le lendemain vers la quatrième heure, ayant effectué ainsi un trajet de 320 stades. »

César, on le sait, fit deux descentes dans la grande île de Bretagne, l’une l’an 54 avant notre ère, l’autre l’année suivante. Il nous a donné lui-même les plus grands détails sur ses armemens, sur le nombre, la nature et la provenance des bateaux qui composaient sa flotte, sur le quartier général où il l’avait rassemblée, sur le pays environnant où campèrent quelques-unes des légions qu’il devait embarquer. Ce fut sur le territoire des Morins qu’eut lieu cette concentration. La Morinie était cette partie de la Gaule septentrionale qui correspond à la Flandre française et qui était alors à peu près couverte de marais et de bois. C’étaient les palades Morinorum, dont le sol était sensiblement au niveau de la mer et qui pouvaient par conséquent être plus ou moins noyés par les fortes marées. Les Morins étaient en mesure de fournir à la grande fédération des Gaules, dont ils étaient un gros élément, un contingent de près de 25 000 hommes. Leurs bois et leurs marais constituaient pour eux un asile précieux et une défense naturelle en cas d’attaque ; et on sait que, pour les soumettre après leur révolte, Labienus, le lieutenant de César, fut obligé d’attendre que le pays fût à sec et que les eaux se fussent écoulées[1].

César dit très nettement qu’il se rendit en Morinie avec toute son armée, parce que c’était du rivage de ce pays que le trajet était le plus court pour passer dans l’Ile de Bretagne. Il estime que ce trajet était d’environ 30 milles, et il désigne sous le même nom que Strabon, — Portus Itius, — le point où il établit son

  1. Guîsar, Bello gallico, 1. II, iv ; 1. III, XXVIII et I. IV, XXXIII.