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chaque détail de chacun des phénomènes dont l’ensemble constitue ce phénomène principal, — le plus grand fait de la vie des sociétés modernes, — le travail. Si d’ailleurs il y a impossibilité quasi matérielle, en raison du nombre même des professions, il n’y aurait pas moins impossibilité logique ou scientifique, à cause des différences profondes qui les séparent. Il nous faut donc nécessairement distinguer et choisir.

Voilà longtemps déjà que l’on cherche une classification des métiers et, depuis les Encyclopédistes jusqu’à nos statisticiens, on en a essayé plusieurs, ce qui prouve sans doute qu’on n’en a point encore découvert une bonne[1].

De toutes les méthodes inventées, et de toutes autres qu’on pourrait inventer, la meilleure est probablement la plus simple, et la plus simple est certainement celle qui commence par distinguer l’industrie du commerce, de l’agriculture, etc. ; qui, pour nous borner à l’industrie, distingue, dans l’industrie même, entre la grande, la moyenne et la petite industrie, ou tout au moins entre la grande et la petite industrie. Outre que cette classification est la meilleure parce qu’elle est la plus simple, elle est la meilleure encore parce qu’elle est la plus naturelle, la plus conforme à la nature des choses.

J’appelle Grande industrie, d’après l’usage reçu et avec les publications officielles, les industries qui possèdent des établissemens employant chacun plus de 500 ouvriers ou ouvrières. C’est de cette « grande industrie » que je m’occuperai presque uniquement, car c’est elle qui est au plus haut degré l’industrie concentrée, — à outillage concentré, à travail concentré, à capital concentré, à population ouvrière concentrée ; — et, pour elle, la question ne se pose pas du tout comme pour l’industrie

  1. Méthode psychologique de Diderot et d’Alembert, où les professions sont rangées « quant à leur dépendance vis-à-vis des trois facultés de l’entendement ; » méthode économique de Charles Dupin, suivant les besoins communs des hommes ; méthode historico-juridique de Bluntschli, qui se fonde sur les classes ; méthode physiologique de M. le docteur Bordier, qui fait deux groupes des « professions manuelles » et des « professions cérébrales ; » méthode sociologique de M. Guillaume de Greef, qui dégage avant tout le rapport des procédés industriels aux mathématiques, à la physique, à la chimie ; méthode géographico-administrative de M. Bertillon lui-même, qui examine successivement la production, la transformation et l’emploi de la matière première, mettant à part les administrations publiques et les professions libérales, et cette catégorie plus ou moins vague que l’on désigne, — et que l’on s’abstient de définir, — sous l’étiquette : Divers. — Voyez, pour une énumération plus complète, la Crise de l’État moderne, I, l’Organisation du Suffrage universel, ch. VI, p. 251 et suivantes.