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Depuis, l’Allemagne a modifié son système, mais, en supprimant les primes d’exportation, elle les a remplacées par autre chose, et elle voudrait aujourd’hui que nous supprimions les nôtres sans les remplacer par rien. Une conférence internationale est sur le point de se réunir à Bruxelles : nous ne savons pas ce qui en sortira. M. Ribot a reproché à M. le ministre des Finances, et non sans raison, d’avoir montré pour notre législation une sévérité peut-être excessive, et certainement inopportune à la veille d’une conférence où nous aurons à nous défendre pied à pied. Sans doute, notre législation est empirique ; elle viole tous les principes, elle consacre tous les expédiens ; mais, quand on a laissé se créer et se développer pendant dix-huit ans des pratiques aussi critiquables, on ne peut pas y renoncer du jour au lendemain. Des intérêts très considérables s’y rattachent. De vastes régions de la France, parmi les plus laborieuses et les plus riches, éprouveraient une perturbation économique redoutable, si l’on ne procédait pas avec beaucoup de ménagemens ; et, si nous avons eu peut-être tort autrefois de nous conformer trop exactement à ce que faisait l’Allemagne, nous aurions tort de ne pas tenir compte de ce qu’elle fait aujourd’hui. Il aurait fallu prendre la loi de 1884 pour un expédient provisoire. Elle a rendu de grands services en développant dans des proportions inespérées le rendement de la betterave en sucre. Elle a régénéré une industrie. Mais, ce résultat atteint, on aurait dû revenir doucement aux principes, et ne pas laisser se perpétuer dans notre système fiscal une anomalie que M. le ministre des Finances a qualifiée de difformité, et même de gibbosité, — tant il est pittoresquement sévère pour les erreurs des autres !

Nous avons parlé, un peu longuement peut-être, des boissons et des sucres, pour montrer par des exemples sensibles comment un budget pouvait être pauvre dans un pays qui continue d’être riche. Si le budget perd 60 millions sur les alcools, cela vient seulement de ce que l’impôt a été mal établi, et M. Caillaux s’en est si bien rendu compte qu’il a envisagé comme probable la nécessité d’apporter des corrections à la loi des boissons. Nous nous demandons même, à ce point de vue, si la Chambre a compris ses vrais intérêts électoraux en faisant afficher un discours qui dénonce la législation sur les sucres et pose un point d’interrogation sur le privilège des bouilleurs de cru : mais on ne pense pas à tout, et l’enthousiasme a entraîné une majorité trop sensible à l’éloquence. Au surplus, il vaut mieux reconstituer des impôts qu’on a laissés s’avarier, que d’en créer de nouveaux ou que d’emprunter. Or, c’est à cela que nous marchons, et cette obligation