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Cela peut sans doute arriver, même si elle a le budget sur les bras : toutefois le budget est un calmant, et les embarras que rencontre la Chambre pour le mettre en équilibre la retiendront peut-être dans la voie des caprices et des aventures où, sous prétexte de réformes, elle ne serait que trop disposée à s’engager.

Notre situation budgétaire est, en effet, des plus médiocres. M. Ribot en a fait la démonstration avec une abondance et une précision de chiffres qui ont produit sur la Chambre, et qui produiront sur le pays, une vive impression. On nous pardonnera de ne pas citer ces chiffres dans une chronique qui ne saurait être un travail technique : nous ne pouvons donner ici qu’un jugement général sur l’état de nos finances. Après M. Ribot, la Chambre a entendu M. Caillaux : c’était le médecin Tant-mieux après... faut-il dire, le médecin Tant-pis ? Non, M. Ribot ne s’est pas présenté sous un aspect aussi pessimiste. Mais que M. le ministre des Finances ait poussé l’optimisme à ses dernières limites, c’est ce que nul ne contestera. Aussi la Chambre a-t-elle ordonné l’affichage de son discours : cela allait de soi, cela était convenu d’avance, on s’y attendait, on le savait. La Chambre n’a aucune illusion sur le budget qu’elle va voter, et qui est en déficit pour une somme considérable ; mais l’illusion qu’elle n’a pas, elle veut la donner au pays. Peut-être ne le ferait-elle pas au lendemain des élections : nous sommes à la veille, ce qui est bien différent ! Les couleurs roses sont à l’ordre du jour. Qu’auraient à dire à leurs électeurs les députés, redevenus candidats, si on était seulement en présence de ce fait, malheureusement incontestable, que, dans la législature expirante, les dépenses se sont accrues de plus de 250 millions ? M. Ribot a énoncé ce chiffre, et c’est peut-être le seul sur lequel M. le ministre des Finances n’ait pas fait d’objection. Nos dépenses ont donc annuellement augmenté de plus de 60 millions depuis quatre ans : c’est beaucoup, et le fait qu’elles avaient déjà subi une augmentation constante dans les législatures antérieures ne diminue pas nos préoccupations. Autrefois, du moins, les ressources augmentaient aussi : cette année, elles ont diminué. Pour la première fois depuis longtemps, il y a eu recul au lieu de progrès. Au surplus, même lorsqu’elles augmentaient, ce n’était pas d’un chiffre égal à celui des dépenses, et, au bout de ce développement inégal des unes et des autres, on apercevait le déficit. Il devait se produire un jour ou l’autre : le malheur a voulu que le jour vînt juste au moment où la Chambre est sur le point de rendre des comptes au pays.

M. Caillaux était l’homme qui convenait à cette situation. Il a toute