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— d’avoir plusieurs exemplaires de la Detectio de Buchanan (pamphlet qui contenait, entre autres motifs d’accusation contre Marie, le texte des lettres du coffret) et de les présenter à l’occasion, comme spontanément, au roi, ainsi qu’aux nobles de son conseil. Ce livre nous rend l’utile service de la déshonorer, ce qui est indispensable avant qu’on puisse parvenir à autre chose. »

M. Lang a d’ailleurs imaginé un moyen spirituel de nous rendre suspect le témoignage des « graphologues » du temps sur l’authenticité des lettres attribuées à Marie Stuart. Il a prié un de ses amis d’imiter quelques lignes de l’écriture de la reine ; et, dans un fac simile de son livre, il nous offre une lettre authentique de Marie à Élisabeth où, de cette façon, quelques lignes sont de l’écriture originale de Marie, et quelques autres sont de l’imitateur. Il nous met au défi de deviner où commence et où finit le « faux ; » et j’avoue que, pour ma part, je serais tout à fait en peine de le deviner.


Quant au texte même des lettres et des sonnets (dont les originaux ont, comme l’on sait, disparu), M. Lang l’a examiné de fort près. Il admet, et nous prouve péremptoirement, que ces lettres abondent en invraisemblances, et ont dû être, en maints endroits, falsifiées par les accusateurs de Marie, notamment par Lethington, dont la participation à ces faux paraît incontestable. Mais, en d’autres endroits, M. Lang ne serait pas éloigné de croire à des passages de lettres authentiques de Marie-Stuart, modifiés seulement par de savantes interpolations.

Il admet, en particulier, l’authenticité des sonnets, et aussi d’une ou deux des quatre lettres, — assez insignifiantes, — dont on a conservé le texte français original. Le fait est que, si ces sonnets et ces lettres sont des faux, on peut s’étonner que le faussaire ne leur ait point donné une portée plus précise, en y multipliant les allusions aux projets criminels de Marie Stuart. Et cependant, je ne puis m’empêcher de penser que ces lettres et les célèbres « sonnets » sont, eux aussi, des faux, ou du moins qu’ils ont de grandes chances de l’être : car j’ai l’impression que lettres et sonnets, abstraction faite de leur contenu, ne sont pas écrits dans la même langue française où écrivait, d’ordinaire, la reine d’Ecosse.

M. Andrew Lang rappelle que, lorsque furent publiés les prétendus a sonnets » de Marie Stuart, Brantôme, et Ronsard avec lui, furent aussitôt d’avis que c’étaient là des vers trop rudes et maladroits pour être vraiment l’œuvre de la jeune reine. Et M. Lang ajoute : « Les deux critiques étaient évidemment prévenus en faveur de leur belle