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moment même, elle n’ait point continué à croire qu’ils voulaient le faire « par des moyens réguliers, » et qui seraient « approuvés par le Parlement. »

Rien ne le prouve, malgré l’extrême abondance de preuves apportées ensuite contre elle par Murray, Lethington, Morton, et les autres inspirateurs de l’assassinat de Darnley. Car, de l’analyse infiniment impartiale et minutieuse de ces preuves, telle que vient de la faire M. Andrew Lang, résulte, avec une certitude désormais irréfutable, qu’il n’y a pas une de ces preuves qui n’en trouve aussitôt une autre pour la contredire. Le fait est que nous ne savons absolument rien, non seulement de la part prise par la reine au meurtre de Darnley, mais même des circonstances de ce meurtre, à tel point que, suivant le mot de M. Lang, « un historien scrupuleux, en présence de la contradiction des documens, serait tenu de considérer le meurtre de Darnley comme une fable dénuée du moindre fondement. » Tout au plus peut-on affirmer la complète fausseté de tout ce que les accusateurs de Marie Stuart ont rapporté des préparatifs du crime, du passage souterrain conduisant à Kirk o’Field, de la présence de Marie au moment du crime, etc. Il y a là une effrayante accumulation de mensonges, dont quelques-uns continuent, aujourd’hui encore, à être enregistrés par les historiens. Et c’est ainsi que, par exemple, les deux derniers chapitres du premier volume du livre de Mignet contiennent des erreurs dont chacune, fort heureusement, se trouve aujourd’hui réduite à néant.

Restent les huit lettres du coffret, et les treize sonnets qui les accompagnent. M. Lang établit d’abord, à leur sujet, que personne ne s’est sérieusement occupé d’en vérifier l’authenticité, dans les extraordinaires séances d’York, de Westminster, et de Hampton Court, où, en l’absence de Marie Stuart, a été jugée sa participation au meurtre de Darnley. Les juges se sont bornés à jeter les yeux sur les lettres que leur présentait Murray ; et la plupart d’entre eux ne semblent pas même y avoir attaché une bien grande importance, si l’on songe à l’attitude qu’ils ont eue plus tard vis-à-vis de la reine d’Ecosse. Ce n’était point pour eux qu’étaient produites ces lettres, mais pour le peuple des deux royaumes, pour le Pape et pour la cour de France, pour tous ceux qui auraient pu intervenir en faveur de Marie, et auprès de qui l’on avait intérêt à la diffamer. Toute la philosophie de l’épisode historique qu’ont été ces lettres se trouve à jamais exprimée dans une instruction adressée par Cecil à l’ambassadeur d’Angleterre à Paris, en 1571 : « Vous ferez bien, — écrivait le ministre d’Elisabeth, —