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l’histoire nationale. » Et l’on comprend également que M. Andrew Lang, dans la préface du très intéressant ouvrage qu’il vient de publier sur le Mystère de Marie Stuart, ait protesté à son tour contre la boutade du « prophète » de Chelsea, en rappelant que le même homme qui affectait de dédaigner « ces révélations de scandales du grand monde » avait, par ailleurs, très longuement insisté sur l’affaire du collier de Marie-Antoinette. Non certes, un mystère qui, après plus de trois siècles, soulève encore une curiosité aussi ardente et aussi active ne saurait être « un simple accident » sans portée générale ! Évidemment, les historiens n’ont pas à s’inquiéter, par exemple, de découvrir l’identité de l’homme au masque de fer, ni de connaître le véritable auteur des Lettres de Junius : mais aucune comparaison n’est possible entre ces menus problèmes anecdotiques et la question de savoir si Marie Stuart a écrit les lettres que lui ont attribuées ses accusateurs : c’est-à-dire si elle a exigé, combiné, traîtreusement préparé l’assassinat de son mari ; si elle a mérité l’épouvantable torture qu’ont été les vingt dernières années de sa vie ; et si, enfin, la ferveur de la foi « papiste » s’est accommodée, chez elle, d’actes et de sentimens dont jamais une âme protestante n’aurait été capable. Voilà ce que, aujourd’hui comme il y a trois cents ans, représente, pour le public entier du Royaume-Uni, « le mystère de Marie Stuart ! »

Et cependant, après avoir lu l’ouvrage de M. Andrew Lang, je serais tenté de croire, avec Carlyle, qu’on a exagéré l’importance historique des « lettres du coffret, » et de tous les faits qui se rattachent au meurtre de Darnley. Car, d’abord, ces faits semblent bien être à jamais entourés d’un « mystère » impénétrable, tandis que ceux qui les ont précédés et ceux qui les ont suivis, dans la tragique existence de la reine d’Ecosse, nous apparaissent au contraire, grâce à M. Lang, avec une clarté et un relief parfaits. Et puis, de l’examen de ces faits antérieurs et postérieurs au meurtre de Darnley, tels du moins que nous les présente leur nouvel historien, une conclusion se dégage irrésistiblement : et c’est à savoir que, si même Marie Stuart avait causé de pires malheurs que la mort du lâche et malfaisant Darnley, l’histoire n’aurait pas le droit de l’en] rendre entièrement responsable, étant données les conditions spéciales où elle se trouvait.


On a dit souvent que Marie Stuart, lorsqu’elle a cherché asile en Angleterre, après la défaite de Langside, le 16 mai 1568, s’est, comme une souris, imprudemment jetée entre les pattes du chat. Mais la