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REVUE LITTÉRAIRE

LA SCIENCE ET LA LITTÉRATURE AU XIXE SIÈCLE

La littérature n’a jamais été tout à fait indépendante des sciences : le poète, au moment même où il laisse à son imagination le plus de liberté, se conforme à la représentation du monde que lui fournit, telle quelle, la physique de son temps ; et le moraliste, au moment où il croit uniquement travailler sur les données de l’observation intérieure et dégager les leçons de l’expérience, est bien obligé de tenir compte de la façon dont il voit que la science autour de lui explique la formation des idées, des sentimens, des passions. Le mathématicien Descartes et le géomètre Pascal ont mis l’empreinte de leur esprit sur notre littérature classique. Toutefois il est certain que les littérateurs du XVIIe siècle n’ont pas cru que les sciences dussent leur être d’aucun secours pour faire un bon poème épique, une tragédie raisonnable ou un livre de maximes. Au XVIIIe siècle, les écrivains s’intéressent aux progrès des sciences, parce qu’ils en attendent des argumens à l’appui de leur philosophie ; mais il ne leur vient pas à l’esprit que le travail même du littérateur puisse, sur certains points, se confondre avec celui du savant. Pendant la première moitié du XIXe siècle, et tant que règne le romantisme, la séparation entre la littérature et les sciences est aussi complète que possible : et c’est même un des traits curieux et caractéristiques du moment que l’absolue insouciance de la plupart des écrivains d’alors pour un mouvement scientifique qui sous leurs yeux se faisait chaque jour plus considérable. Dans la seconde

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  1. Robert Fath, l’Influence de la science sur la littérature française dans la seconde moitié du XIXe siècle, 1 vol. in-8, Lausanne (Payot et Cie) ; Paris (Fischbacher).