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cette évolution de la mélodie, fondée sur des correspondances intimes et sur d’essentielles conformités, dont l’œuvre de Mozart nous offre à chaque instant l’exemple. Un air de Mozart est, en toutes ses parties, un organisme parfait. Entre « les endroits forts, » comme dit le président de Brosses, rien ne traîne ni ne détonne, et les « passages » qui les relient entre eux ne sont pas loin de les égaler. Les accessoires, ou les environs, et jusqu’au moindre détail, tout convient, tout concourt, et vous ne trouverez pas une mesure impertinente, ou seulement inutile, en trois ou quatre pages qui ne sont que mélodie, et qu’une mélodie. S’agit-il d’un air à répétition comme le Non più andrai des Noces de Figaro ? Des épisodes spirituels et toujours assortis en remplissent les intervalles. La sérénade de Don Juan se compose de deux strophes, mais lesquelles ! Puisque nous traitons aujourd’hui de l’opéra mélodique et avant tout musical, comparons ici un moment la poésie et la musique :


Deh ! vieni alla finestra,
O mio tesoro.
Deh ! vient a consolar
Il pianto mio.

Se neghi a me di dar
Qualche ristoro,
Davanti agli occhi tuoi
Morir voglio io.


Ces deux quatrains, et deux autres qui suivent, voilà toutes les paroles de la sérénade. A les voir ainsi, dépouillées et piteuses, on admire comme elles se sont fondues, abîmées dans la musique ; on s’étonne que Mozart ait pu faire, de ces maigres versiculets, quatre périodes admirables d’amplitude et d’équilibre, entre lesquelles l’accompagnement continu met, comme entre des colonnes, l’espace qu’il faut et qui suffit. Qui donc, en un jour d’enthousiasme, comparait au Parthénon les derniers quatuors de Beethoven ? Assurément il se trompait. C’est bien plutôt la musique de Mozart qui ressemble au sanctuaire divin ; c’est dans Don Juan et dans les Noces que l’eurythmie a disposé les sons comme sur l’Acropole les marbres.

Toute page de Mozart est un chef-d’œuvre de métrique, une figure mouvante, organisée en quelque sorte deux fois, dans la durée et dans l’espace. Quel discours, et de quel orateur, commença