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I

L’opéra de Mozart est l’un des deux principaux types de l’opéra musical : j’entends par là le drame en musique où la musique l’emporte, et non pas, comme dans l’opéra récitatif, la parole ou la poésie. L’autre type du genre, à la fois analogue et contraire à l’opéra de Mozart, pourrait bien être l’opéra de Wagner, qui donne la première place non pas sans doute à la mélodie, mais à la symphonie, c’est-à-dire encore et toujours à la musique. Wagner et Mozart, d’ailleurs si différens, se sont rencontrés en ce point. Grand musicien de théâtre, mais avant tout grand musicien, dans l’éternel débat entre la musique et la poésie, Mozart, on le sait, a pris délibérément le parti de la musique. Sa correspondance, à chaque page, en fait foi. Il écrivait un jour, à propos de l’Enlèvement au sérail : « Parlons maintenant du texte de l’opéra. Je sais bien que la versification n’en est pas des meilleures, mais elle s’est trouvée si bien d’accord avec les idées musicales (qui déjà auparavant me trottaient dans la tête), que nécessairement elle devait me plaire ; et je parie bien qu’à l’exécution, on ne regrettera rien... Quant à la poésie de la pièce en général, je ne saurais vraiment la mépriser... Et... je ne sais... mais, dans un opéra, il faut absolument que la poésie soit la fille obéissante de la musique. Pourquoi donc les opéras italiens plaisent-ils partout, malgré toute la pauvreté de leurs livrets ?... et cela même à Paris, comme j’en ai été témoin. Parce que la musique y règne en souveraine et fait oublier tout le reste... Un opéra doit évidemment plaire d’autant plus que le plan de la pièce sera bien composé, mais à la condition que les paroles auront été écrites uniquement pour la musique et qu’on n’y aura pas introduit çà et là des mots, ou même des strophes entières capables de gâter toute l’idée du compositeur, et cela pour l’amour d’une malheureuse rime qui, quelle qu’elle soit, mon Dieu ! n’ajoute absolument rien au mérite d’une représentation théâtrale et lui nuit plutôt[1]. »

Les ouvrages de Mozart s’accordent avec sa doctrine. En est-il un plus merveilleux exemple que les Noces de Figaro ? Où la musique a-t-elle jamais ainsi dominé les paroles ? (A propos

  1. Lettres de W. A. Mozart ; traduction de M. II. de Curzon (Hachette).