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recherche, nécessaires au progrès de la science, et, au contraire, de la proscrire, des cours publics et des expériences de pure démonstration. Encore ne faudrait-il pas se laisser entraîner à poser sur ce point des règles trop absolues : il est bon d’examiner de sang-froid chaque cas en particulier. Ainsi, notre critique a conservé le plus mauvais souvenir de certain physiologiste, qui, à la fin d’une de ses leçons, annonça gaiement à ses auditeurs qu’on allait assommer un lapin, afin de leur faire constater la persistance, pendant quelque temps après la mort, des mouvemens péristaltiques de l’intestin. Sans doute, l’expérience n’était pas indispensable en ce cas : mais l’animal n’a pas du moins souffert avant de périr ; et, s’il fut ensuite mangé en gibelotte par le préparateur du cours, on ne voit pas en quoi son sort différa de celui qui attendait ses voisins de clapier.

— Vous avez parfaitement raison, dis-je, ici, l’indignation porte manifestement à faux, mais elle me paraît néanmoins excusable, car il est bon de mettre un frein à l’audace de ces expérimentateurs qui soumettraient volontiers l’humanité elle-même à leur scalpel. Nous avons eu en France des débats de presse retentissans sur la greffe du cancer, qui furent probablement l’origine de la belle pièce philosophique de M. de Curel, la Nouvelle Idole. Et je lisais récemment, dans un de ces recueils socialistes qui se font une spécialité de redresseurs de torts, l’histoire de ce médecin colonial qui, au Cameroun, entreprit des expériences sur la transmission par les moustiques de la fièvre paludéenne, en faisant piquer des nègres sains, envoyés à son hôpital pour quelque blessure accidentelle[1].

— Approuverez-vous de même les imprécations véritablement bibliques dont M. Weltrich charge la patrie des courses de taureaux ? À l’en croire, la perte de Cuba serait le juste châtiment de sa dureté de cœur : « Mané, Thécel, Pharès, s’écrie-t-il, tu as été pesée, pesée et trouvée trop légère… Espagne ! Espagne ! des dons magnifiques t’avaient été départis cependant, mais ton sein a engendré, sans s’épuiser, des bourreaux et des valets de bourreaux. » Et il a sans doute applaudi de loin à l’action d’éclat de ce jeune étudiant suédois, qui, aux courses de taureaux organisées à Deuil, près de Paris, le 4 juin 1900, tira deux coups de revolver sur le matador, déclarant qu’il eût aussi volontiers

  1. Neue Zeil., XVII, 21.