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Et, certes, les doléances de M. Weltrich portent souvent fort juste : soit qu’il plaigne le sort des cailles, capturées en masse sur les côtes de la Tripolitaine et de l’Egypte, pour être aussitôt transportées à Londres dans des cages où elles périssent par milliers de faim ou de maladie ; soit qu’il consacre un paragraphe particulièrement ému aux « cruautés de la cuisine, » cette chambre de torture, où des cordons bleus trop zélés pour les plaisirs gastronomiques de leurs maîtres, imposent des supplices barbares aux anguilles, aux canards, aux écrevisses, aux escargots. Sur ce terrain, tous les hommes de cœur s’entendront sans peine, afin de réprimer par tous les moyens possibles de semblables abus.

Au risque d’encourir les anathèmes des délicieuses modistes parisiennes, je me reconnais même assez favorable à la campagne ouverte contre le port des plumes sur les chapeaux ou dans les coiffures : campagne qui a pris un certain développement en pays germanique. Lorsque ces dépouilles sont empruntées à des espèces utiles ou inoffensives, comme il arrive la plupart du temps, leur vogue favorise des massacres incessans. Et des fleurs artificielles ou naturelles pourraient, il me semble, les remplacer sans porter préjudice à la beauté des élégantes acheteuses. Il est vrai, qu’en cette dernière tolérance, je serais déjà suspect au zèle de M. Weltrich, dont on risque de froisser, là encore, les susceptibilités. Il a en effet des prescriptions rigoureuses sur l’usage des fleurs. On peut bien offrir quelques roses à sa bien-aimée, mais il est interdit de saccager sans raison une prairie embaumée, et de couper, pour une fête mondaine, toute la parure d’un jardin. S’il est licite de cueillir un modeste bouquet qui ornera la chambre d’un ami attendu, les amas prétentieux de plantes rares qu’on adresse trop souvent aux étoiles de la danse et de la galanterie annoncent, chez leurs donateurs, autant de barbarie que de stupidité.

— Voilà des distinctions passablement subtiles, objectai-je, et il faudrait une conscience bien affinée pour reconnaître où commence la culpabilité en si délicate matière. Ce serait un beau sujet de thèses pour une école de casuistes horticulteurs.

— Vous raillez ; mais vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Rendons pourtant justice une fois encore à M. Weltrich pour ses pages judicieuses sur la vivisection : il conseille à bon droit de la restreindre, autant que possible, aux expériences de