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les auspices de sa maman à qui la joie prêtait des forces ; elle conduisit son régiment de frères et de sœurs vers la grande bibliothèque, semblable, tant on y avait suspendu de guirlandes, à un berceau de verdure. Au milieu, le grand sapin traditionnel, chargé de cristaux, d’étoiles, de bougies allumées par centaines ; un arbre du pays des fées, nul n’en douta. Une de ses branches portait une large enveloppe adressée à miss Kitty Clarke, et la lettre que contenait cette enveloppe était de Santa Claus en personne. Il disait que, la veille, ayant visité un certain hôpital d’enfans, il avait vu qu’une bonne petite fille y était venue avant lui. Appelé par ses affaires dans une autre partie du monde, il espérait qu’elle continuerait à l’aider toujours de la même façon. La signature suivait « Votre associé Santa Claus. »

Quels bravos, quels cris, quels rires ! L’arbre fut bien vite dépouillé par seize petites mains avides ; il n’y avait plus que Clarke qui n’eût point de cadeau. A la fin, cependant, Kitty découvrit une autre lettre, portant cette suscription « Au père de l’associée de Santa Claus. »

Clarke en connaissait l’écriture, mais quand il voulut, avant même de décacheter l’enveloppe, remercier Livingstone, celui-ci avait subitement disparu. Il lut… Livingstone disait qu’une bonne partie de son succès dans les affaires venait du zèle et du dévouement de John Clarke, qu’il lui demandait donc comme une faveur personnelle de vouloir bien accepter la pièce ci-jointe en gage de sa gratitude. La pièce était un dégrèvement de l’hypothèque qui pesait sur la maison des époux Clarke.

A la mine pétrifiée de son père, aux larmes joyeuses que versait sa mère, Kitty comprit que quelque chose d’important arrivait. Elle eut bien vite retrouvé Livingstone qui s’était réfugié dans la pièce voisine, le ramena de force vers l’arbre de Noël et, se suspendant à son cou : – Vous, je vous aime dit-elle tout bas.

Au moment même, entrait à l’improviste l’élégante Mme Wright, celle qui taxait chaque année si lourdement Livingstone pour ses charités.

En présence de cette fête enfantine et de l’émotion générale, elle partit d’un éclat de rire : – Eh bien ! dit-elle, j’ai gagné mon pari. M. Wright soutenait que vous passeriez la soirée seul comme un ours ici ou au club, et j’avais résolu de vous enlever, s’il ne se trompait pas, pour