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envers la pauvre espèce humaine. Quelle idée aussi de compter sur la reconnaissance de qui que ce fût !

Il ne payait pas Clarke pour être reconnaissant. Il le payait pour un travail ponctuellement accompli. L’ingratitude générale était chose prouvée. A quoi bon récriminer ?

Tandis qu’il se calmait ainsi, l’employé avait repris place à son bureau, et deux petits coups étaient frappés à la porte extérieure.

– Entrez, dit Clarke.

Qui pouvait venir à cette heure ? Livingstone se le demanda. D’où il était assis, il voyait la porte reflétée dans une grande glace.

L’intrus était une petite fille en jaquette rouge, un bonnet rouge posé sur des cheveux blonds, dont les boucles foisonnaient. Ses joues étaient rondes et colorées comme des pommes d’api, tout son petit visage animé par l’air froid du dehors. Pour commencer elle ne montra que sa tête, puis, s’étant assurée que le commis principal était seul, la petite personne tout entière pénétra furtivement dans le bureau et, sur la pointe des pieds, d’un air de malice profonde, marcha vers Clarke qui lui tournait le dos. Tout à coup elle l’atteignit, lui enveloppa la tête de ses bras et posa sur ses yeux deux petites mains gantées de laine.

– Qui est là ?… devinez ! s’écria-t-elle. – Barbe-Bleue, peut-être ? hasarda M. Clarke. – Non – La reine d’Angleterre ? – Vous ne devinez pas du tout. Ce n’est pas une reine. – Si fait !… à moins que ce ne soit Santa Claus. – Non, non, mais quelqu’un qui le connaît. – M. Livingstone ? – Oh ! non, par exemple ! – Avec emphase cette fois et en secouant énergiquement la tête. – Voyons, si vous devinez bien, vous aurez une récompense. – Laquelle ? – Eh bien ! Santa Claus vous apportera… – Il ne m’apportera rien. Il sera trop occupé à gâter d’autres personnes de ma connaissance. – Pas du tout. Je sais qu’il va vous apporter. Oh ! bavarde que je suis, j’allais le dire !