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lui fut accordé au Luxembourg, mais elle ne paraît pas l’avoir jamais occupé. Nous savons, au contraire, qu’elle se retira aussitôt à Vergie, auprès de sa mère qui vivait encore. La règle de Saint-Cyr ne permettait pas de conserver dans la communauté d’autres laïques que les maîtresses de classe, et Mlle d’Aumale était devenue un personnage trop important pour qu’on pût l’y retenir en cette qualité. Ce ne fut pas sans regrets qu’elle quitta cette maison qui avait abrité son enfance, et elle exprimait ces regrets dans une lettre touchante adressée aux dames de Saint-Louis qui clôt la série des deux volumes qu’a publiés Lavallée. « J’ai évité dans ces derniers momens, leur écrivait-elle, tout ce qui pouvait m’attendrir, ayant une plus grande douleur que je n’ai eue de ma vie : près de trente ans dans votre maison est presque toute ma vie et qui m’a liée à vous, Mesdames, d’une manière bien particulière et que je sens présentement avec une grande amertume. Continuez-moi, je vous en supplie, vos bontés ; recevez mes très humbles remerciemens, plaignez mon affliction qui est plus grande que je ne dis. »

Elle devait revenir plusieurs fois en visite, dans cette maison qu’elle regrettait tant. Nous publierons une lettre d’elle, longue et enjouée, à la supérieure Mme du Pérou, où elle lui rapporte plaisamment le récit fait par elle à sa mère de sa réception à Saint-Cyr. On devine par cette lettre que la vieille dame était flattée de savoir que sa fille fût traitée comme un personnage important. Le fond de la vie de Mlle d’Aumale s’écoulait cependant à Vergie. Nous savons aussi qu’elle fit en 1721 un séjour au château d’Havrincourt, chez son ancienne amie de Saint-Cyr. « Jugez, Madame, écrivait celle-ci à Mme de Glapion, du plaisir que j’eus dans le moment où je vis entrer cette mignonne masquée et déguisée, en petit corset blanc de bergère, car, bien loin de savoir qu’elle dût venir, mon bon menteur de mari me dit, à son retour de Paris, que je ne la verrais point cette année. » Mlle d’Aumale passa tout l’hiver à Havrincourt. Quelques-unes des lettres que, durant ce séjour, elle adressait à Mme de Glapion ont même été publiées[1]. Elles sont des plus agréables. On songeait alors à la placer auprès de la jeune Infante qui arrivait en France pour épouser Louis XV. Mlle d’Aumale ne s’y refuse pas, mais ne paraît guère le désirer. « Je suis obligée, écrivait-elle,

  1. Quelques lettres inédites d’Anne d’Osmond, marquise d’Havrincourt, et de Marie-Jeanne d’Aumale 1721-1724, publiées par M. Albert Asselins.