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trouvaient encore un autre aliment à Avon. C’était dans l’instruction des enfans. Il y avait bien une école à Avon, quoique ce fût un assez pauvre village, car l’instruction populaire était, sous l’ancien régime, beaucoup plus répandue qu’on ne se plaît aujourd’hui à le dire. Il y avait même un magister, appelé Mathurin Roch, qui causa quelque ennui à Mme de Maintenon. « Il ne peut, écrivait-elle plaisamment, s’accoutumer à mon ignorance, ni moi à son savoir. » Aussi se consacrait-elle surtout à l’enseignement des petites filles. Ce fut d’abord sa distraction pendant les longs séjours de Fontainebleau. Ce fut ensuite sa consolation pendant ces années calamiteuses de 1708, 1709, 1711, marquées par des désastres auxquels on a accusé Mme de Maintenon d’être insensible et qui l’émouvaient au contraire profondément. « Il n’y a qu’Avon qui puisse la distraire de la tristesse où elle est, » écrivait Mlle d’Aumale, et dans une autre lettre : « J’allais mourir si sa tristesse avait continué. » Quand Mme ‘ de Maintenon enseignait le catéchisme aux petites filles d’Avon, elle semblait transfigurée. Sur sa physionomie, devenue avec les années un peu triste, se lisait une grande joie. Elle passait quelquefois trois heures de suite à l’école d’Avon, « ne se rebutant point du peu de compréhension de ces petites paysannes qui lui faisaient dire plus de vingt fois la même chose. » Pour lui plaire, tout le monde s’y mettait, la jolie marquise de Dangeau, Cholet, un des laquais de Mme de Maintenon, et jusqu’à un laquais de Mme de Dangeau. Mais, à cette besogne comme à toutes les autres, la plus ardente était Mlle d’Aumale. « Dieu sait le goût que j’ai pour le catéchisme, écrit-elle. Je ne parle d’autre chose ici... Mlle de Breuillac paraît en extase, quand je parle. On le serait à moins, n’est-il pas vrai ? Peu s’en faut que je ne le sois moi-même. » Cependant elle n’entretenait pas d’illusions sur l’efficacité des leçons qu’elle donnait, car elle ajoute assez drôlement : « Toutes nos écolières aiment mieux une belle robe que la grâce de Dieu. Après qu’on a eu parlé ce matin à une pendant une heure, voilà tout ce qu’elle avait retenu : Qu’est-ce que Dieu ? Réponse : Oui. » Mme de Maintenon elle-même finit par se rebuter, et s’aperçut que ses amies d’Avon, comme elle les appelait, l’exploitaient un peu. « L’instruction ne va pas trop bien, écrivait-elle, et mes potages vont vite. On va les retrancher pour quelque temps. » Si elle eût été ce jour-là, comme cela lui arrivait souvent, en humeur de philosopher, elle aurait pu ajouter ce