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tout le jour, que je brode toujours, que je ris toujours et que je suis tout le jour à la basse-cour. » Un de ses canetons a-t-il été écrasé : elle en achète trois pour que Madame n’ait pas le déplaisir d’une si prompte ruine. Elle est toute joyeuse d’avoir vendu un cochon à Mme d’O., dame d’honneur de la Duchesse de Bourgogne, et elle se lamente de ce que le berger a maladroitement coupé les deux oreilles à un agneau. Mais Mme de Maintenon employait habituellement l’inépuisable activité de sa jeune secrétaire à des emplois plus relevés. Elle en avait fait son bras droit dans la dispensation de ses charités.

Les Charités de Madame tiennent une grande place dans les Souvenirs de Mlle d’Aumale. On y verra combien elles étaient abondantes et judicieuses. Déjà, par les lettres de Mlle d’Aumale que Lavallée a publiées et par quelques-unes de Mme de Maintenon elle-même, nous connaissions celles qu’elle exerçait pendant le séjour annuel de la Cour à Fontainebleau. Mme de Maintenon n’aimait pas ces séjours, et, si résignée qu’elle fût à suivre le Roi partout, elle se plaignait parfois de leur longueur. « Il faut être ici, écrivait-elle avec quelque amertume, sans volonté et sans autre goût que celui du maître. Cependant le mien ne me porte pas à courir le cerf. » C’est qu’à Fontainebleau, elle se trouvait trop éloignée de Saint-Cyr. Cependant elle y jouissait d’une plus grande liberté qu’à Versailles. Elle pouvait disposer de son temps pendant les longues heures que le Roi passait à la chasse à courre, qu’il suivait jusqu’à la fin de sa vie dans un petit soufflet à deux places et à quatre chevaux conduit par lui-même, la Duchesse de Bourgogne à ses côtés. Elle s’était fait meubler dans la ville de Fontainebleau une petite maison qu’elle appelait : Mon repos. Mais le repos ne lui convenait guère, car elle demeura active jusqu’à la fin. Aussi ne tardait-elle pas à trouver un emploi de son temps dans le petit village d’Avon.

Avon avait été longtemps la paroisse du palais royal de Fontainebleau. Dans sa vieille église sombre et humide se voient encore les pierres tombales d’anciens sénéchaux de la Cour, et celle de l’infortuné Monaldeschi. Mme de Maintenon fréquentait cette église, et y allait assez volontiers aux vêpres ou au salut. Il y avait aussi, aux Basses-Loges, un prieuré des Carmes, autrefois visité par Louis XIII, où elle se rendait parfois pour entendre la messe de bonne heure. Mais Mme de Maintenon, quoique pieuse, n’était pas dévote, et ne dépensait pas en oraisons la meilleure