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« Il conversoit souvent très familièrement avec elle, ajoutent les Mémoires, et enfin la distinguoit fort. » Mlle d’Aumale aurait pu facilement faire servir cette faveur à sa fortune. Elle ne le voulut pas. Il n’y a pas lieu de s’arrêter à ce que raconte à ce sujet, quelques années plus tard, la méchante Madame (la Palatine s’entend). « La maréchale de Schomberg, dit-elle en 1719 dans une de ses lettres, avait une nièce qui s’appelait Mlle d’Aumale. Ses parens la mirent à Saint-Cyr du temps du Roi. Cette créature est laide, mais elle a beaucoup d’esprit. Elle (Mme de Maintenon) chercha à susciter une querelle et à la faire entrer dans un couvent. Mais le Roi ne voulut pas le souffrir et il fallut que la vieille la laissât revenir. » C’est juste le contraire qui est vrai. A plusieurs reprises le Roi voulut contribuer au mariage de Mlle d’Aumale, comme il avait fait pour Mlles de Norman ville et d’Osmond. Ce fut Mlle d’Aumale qui, par attachement pour Mme de Maintenon, ne le voulut pas et préféra rester auprès d’elle. La Duchesse de Bourgogne elle-même s’en mêla, comme le raconte fort agréablement Mlle d’Aumale. Laissons-la parler : « Madame la Duchesse de Bourgogne avoit affaire dans ma chambre ; j’eus un bel entretien avec elle ; elle me vouloit persuader de me marier, me disant que, pour elle, elle aimoit faire une fin, comme les laquais, et que j’en devois faire une ; mais, voyant que je ne me souciois pas de ressembler là-dessus aux laquais, elle trouva que je prenois le bon parti. » Mlle d’Aumale avait vingt-cinq ans quand elle prenait ce bon parti, et elle s’y tint jusqu’à la fin.


V

Si Mlle d’Aumale avait pris le parti contraire et si, imitant celles qui l’avaient précédée dans la confiance de Mme de Maintenon, elle avait convolé en de justes noces, elle aurait laissé sa protectrice dans un singulier embarras, car celle-ci l’employait aux usages les plus divers, « Mme de Maintenon, disent encore nos dames de Saint-Cyr, la trouvoit si propre à tout qu’elle l’employoit à mille choses, et elle lui fut d’un grand soulagement. » A un certain moment, nous la voyons, sans qu’on puisse trop savoir pourquoi, tenir pour le compte de Mme de Maintenon une sorte de basse-cour à Fontainebleau, et elle prend son nouveau métier fort gaiement : « Il me semble, écrit-elle, que je chante