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eut alors la pensée d’organiser pour lui des concerts plus intimes qui auraient lieu, dans sa propre chambre, et dont il lui aurait l’obligation. Pour y réussir, elle mit à profit les dons naturels de Mlle d’Aumale. Celle-ci avait, comme nous l’avons dit, une fort jolie voix qu’au dire des dames de Saint-Cyr, elle conduisait agréablement. Pour qu’elle pût s’accompagner et chanter ainsi dès que le Roi aurait envie de l’entendre, elle lui fit apprendre le clavecin et lui donna un maître de musique. Aussitôt Mlle d’Aumale d’écrire à Mme de Glapion pour lui communiquer cette importante nouvelle. « Oui, ma mère, je joue du clavecin, mais, par malheur, je n’apprends rien de nouveau ; car mon maître est dangereusement malade. Il a une fausse pleurésie, je le recommande à vos prières. J’ai un grand livre de musique ; mais je n’ai guère de cœur quand je suis seule. » Il ne semble pas cependant qu’un maître fût bien nécessaire pour les chansons qu’elle s’exerçait à chanter devant Louis XIV. C’étaient presque toutes des chansons à boire dont elle envoie le titre à une de ses amies de Saint-Cyr : « Je ne sais pas votre air d’opéra, lui écrit-elle, mais j’en sais d’autres. Savez-vous : Vive Bacchus, Vive Grégoire ! A tous les deux honneurs sans fin ! Vive Grégoire pour nous verser à boire ! » On ne s’imagine guère ces airs bachiques résonnant dans la chambre à coucher de Mme de Maintenon, auprès de la niche où, frileuse, elle tricotait. Mais sans doute Louis XIV les aimait. Parfois Mlle d’Aumale chantait devant lui deux heures de suite. Elle ne s’en tenait pas là cependant. Peu à peu elle élevait et agrandissait son répertoire. « Je n’ose sortir, crainte que le Roi ne rentre, écrivait-elle quatre ans plus tard à Mme de Glapion, car il veut de la musique. J’ai pour nos concerts Mlle Pièche, son mari avec sa basse de viole et une flûte. Quand j’ai bien chanté, je répète ou apprends pour la première fois. Tout cela me fait un grand plaisir par celui qu’a Madame de voir amuser le Roi pendant quelques minutes. »

Pour amuser ainsi le Roi, Mlle d’Aumale appelait à son aide d’autres jeunes femmes, qui vivaient également dans l’intimité de Mme de Maintenon. C’était sa nièce. Mme de Caylus, toute repentante et tournée à la dévotion, C’était une jeune femme qu’elle avait élevée. Mme d’Auxy. On est au lendemain de Denain et Mlle d’Aumale écrit : « Madame est fort gaie et je tâche de l’amuser un peu. Nous sommes occupés aussi des plaisirs du Roi, et Mme de Caylus, Mme d’Auxy et moi avons l’honneur de