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sur ce petit parterre blanc et la joyeuse pensée qui s’empare de mon esprit, que, dans huit jours, je mordrai vos joues. Ma mère de Glapion m’en donnera bien la permission si c’est un jour gras. »

Ces lettres de Mlle d’Aumale, quel que soit leur agrément, ne mériteraient cependant pas qu’on s’y arrête, si on n’y trouvait un reflet, non pas de la vie de cour, à laquelle elle demeura toujours systématiquement étrangère, mais de l’existence intime de Louis XIV et de Mme de Maintenon, car elles en mettent en lumière certains détails. Après avoir ramené Louis XIV de ses égaremens et l’avoir fixé auprès d’elle, il s’agissait pour Mme de Maintenon de le garder, et, pour cela, il ne fallait pas qu’il s’ennuyât. Après le salut, il fallait s’occuper du divertissement. On sait comment d’abord elle y employa Saint-Cyr et les représentations d’Esther. Mais quand elle vit, ce qui n’était pas difficile à prévoir, que les applaudissemens des seigneurs de la Cour tournaient ces jeunes têtes, qu’il s’ensuivait des aventures comme celle de Madeleine de Glapion, ou des demandes en mariage ; que les demoiselles de Saint-Cyr se dissipaient, et qu’elles ne voulaient plus chanter vêpres pour ne pas se gâter la prononciation, elle comprit le mal qu’elle avait fait et, d’une main ferme, elle défit son ouvrage. Elle interdit les représentations en costume, n’admit à celle d’Athalie que cinq ou six personnes avec les princes, et bientôt décida qu’on n’y « souffrirait aucun homme, ni pauvre, ni riche, ni vieux, ni jeune, ni prêtre, ni séculier, ni même un saint, s’il y en a sur la terre. «  Cependant il fallait bien inventer quelque moyen d’amuser le vieux monarque. Elle eut alors recours à un autre divertissement, et Mlle d’Aumale, comme nous l’allons voir, trouva ainsi auprès d’elle un nouvel emploi.

On sait que Louis XIV avait toujours aimé passionnément la musique. Il avait l’oreille juste et, de même qu’il dansait admirablement, il chantait volontiers. A plus de soixante ans, pour complaire à la Duchesse de Bourgogne, il faisait encore sa partie dans un chœur. Il donnait de grands soins à sa Musique, qu’il faisait venir souvent pour lui jouer des airs d’opéra, et, voulant récompenser les demoiselles de Saint-Cyr des plaisirs qu’elles lui avaient procurés, il l’envoyait parfois jouer dans leur église, aux grandes fêtes. « On croyait être au ciel, disent-elles dans leurs Mémoires, et entendre la musique des anges. » Mme de Maintenon