Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/754

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand les chemins étaient mauvais, et, quand le temps était à l’orage, il ne fallait pas compter sur elle pour écrire. Mme de Maintenon, dans une de ses lettres, l’appelle un lièvre. Mais elle était gaie, pétulante, aimait les amusemens : « Je ne peux pas, disait-elle, être toujours dévote. » Dans les récréations, elle était le boute-en-train de Saint-Cyr. Nous avons un programme de divertissemens dicté par Mme de Maintenon à Mlle d’Aumale elle-même, où, après l’avoir chargée de divers emplois, comme « de mettre au jeu avec sa magnificence ordinaire, » puis « de jouer au roi qui parle en y ajoutant les agrémens qui lui plairont, » Mme de Maintenon termine ainsi : « Mlle d’Aumale demeurera enfermée pour les folies qu’elle aura faites. »

Cette humeur enjouée de Mlle d’Aumale se retrouve dans les lettres qu’elle écrivait pour son compte. Lavallée en a publié un certain nombre, presque toutes datées de Fontainebleau, pendant les séjours, trop longs à son gré et au gré de Mme de Maintenon, que la Cour y faisait en été. Nous en publierons quelques autres. A l’en croire, elle avait auprès d’elle un esprit follet qui dictait ses lettres ; aussi s’excuse-t-elle de toutes les folies quelle y met. Il est certain qu’elle a un tour à elle pour raconter les événemens les plus sérieux. Les habitans de Bruges ont-ils ouvert leurs portes aux armées du Roi, elle écrit : « Toute la nuit, ils ont bu et étaient soûls comme des cochons de joie d’être sous leur roi légitime. » Peint-elle, en termes émus, la consternation de la Cour après la défaite d’Oudenarde, elle ne peut s’empêcher d’ajouter : « La perruque de M. Fagon a été si avancée sur son visage que, s’il n’avoit pas eu le nez si long, on n’aurait pas connu le devant d’avec le derrière de sa tête. » Les plus futiles événemens de sa vie quotidienne prennent sous sa plume un tour agréable. L’échantillon d’une étoffe achetée pour elle lui déplaît-il : « Désolation, écrit-elle, amertume, regret, inquiétude, argent perdu, peines perdues, temps perdu, tout est perdu ; voilà tout ce que je me dis. » Et, comme cette lettre est adressée à Mme de Glapion, dont l’état d’habituelle tristesse lui est connu, elle ajoute avec enjouement : « Etes-vous plus misérable ? » Mais elle sait trouver aussi d’aimables, bien que toujours plaisantes paroles pour exprimer la joie qu’elle aura à retrouver une de ses compagnes de Saint-Cyr. « Mlles de Breuillac et Delorme, qui sont ici pendant que je vous écris, me trouvent en extase. Je ne vois pas autre chose pour m’y mettre que le plaisir que j’ai de vous écrire