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de son œuvre. Elle savait entre quelles mains elle la laissait. Elle mourut en repos, entre les bras de sa chère Glapion, « la seule affection, disait-elle, qui ne l’eût jamais déçue. »


IV

Il est temps de revenir à Mlle d’Aumale dont nous étions un peu loin. Pas si loin cependant qu’il pouvait paraître, car une étroite intimité et une véritable tendresse existaient entre ces deux femmes que les liens d’un même dévouement attachaient à Mme de Maintenon. « Quand j’étais la petite d’Aumale, sans esprit ni discernement, écrivait celle-ci à Mme de Glapion, j’avais pour vous une inclination fort particulière. Jugez de ce que la connaissance y a fait. » Il n’apparaît point qu’il y ait eu entre elles l’ombre d’une jalousie. C’eût été à Mlle d’Aumale à souffrir, car, si, chaque jour, elle rendait quelque service à Mme de Maintenon, chaque jour, au contraire, Mme de Glapion en recevait quelqu’un de Mme de Maintenon ; et souvent l’on s’attache aux êtres en proportion de la peine qu’on a prise pour eux plutôt qu’à raison des obligations qu’on peut leur avoir. A partir de son retour de Gomerfontaine, où elle avait si bien justifié la confiance mise en elle, Mlle d’Aumale devint inséparable de Mme de Maintenon, qui la traitait avec beaucoup d’égards. « Ayez bien soin de cette demoiselle, dit-elle à ses femmes quand elle la prit à son service. Elle est de meilleure naissance que moi, et mérite d’être bien servie. » A Versailles, Mlle d’Aumale demeurait au Château et elle l’accompagnait partout, à Fontainebleau, à Marly, à Meudon. Secrétaire incomparable, elle écrivait parfois vingt lettres en un jour, sous sa dictée ou en son nom. Sûre, discrète, toujours à sa place, elle vécut dix ans de la vie de la Cour, et vit sans doute beaucoup de choses, sans être mêlée à aucune intrigue ni tracasserie, et sans essayer de prendre part à des plaisirs qui n’étaient point faits pour elle. De la fenêtre de la petite chambre qu’elle occupait à Fontainebleau, elle écrit qu’elle voit passer dans l’avenue des chiens et des chevaux de quoi prendre tous les cerfs de la forêt. Mais elle ne suit point la chasse. Dangeau, toujours exact, mentionne cependant que la marquise de Pompadour, dont la fille avait épousé le fils de Dangeau, l’y mena une fois en carrosse. Elle n’avait qu’un défaut : son extrême poltronnerie. Elle poussait des cris en voiture