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les talens dont vous êtes remplie. » Mme de Maintenon continue en lui donnant des conseils, pleins de justesse et de mesure, qui sont relatifs à l’éducation des pensionnaires, dont Mlle d’Aumale devait principalement s’occuper. Ces conseils peuvent presque tous se résumer en celui-ci : « Commencez par vous en faire aimer, sans quoi vous ne réussirez jamais, » Et Mme de Maintenon continue : « N’est-il pas vrai que si, depuis que vous êtes ici et que vous m’entendez parler, vous ne m’aviez pas aimée ou que vous eussiez eu de l’aversion pour moi, vous n’auriez pas si bien reçu tout ce que je vous ai dit ? Cela est certain et que les plus belles choses enseignées par des personnes qui nous déplaisent ne nous font aucune impression et nous rebutent souvent. » Ne croit-on pas entendre un écho de Fénelon, disant dans son Traité sur l’éducation des filles : « Il y a une autre sensibilité, encore plus difficile et plus importante à donner : celle de l’amitié. Dès qu’un enfant en est capable, il n’est plus question que de tourner son cœur vers des personnes qui lui soient utiles. L’amitié le mènera à presque toutes les choses qu’on voudra de lui. » L’école est bien la même, et, tout brouillés que fussent Fénelon et Mme de Maintenon depuis les affaires du quiétisme, on sent encore l’influence que ce grand séducteur d’âmes avait exercée sur elle.

À Gomerfontaine, Mlle d’Aumale fit plus et mieux que s’occuper des pensionnaires. Elle déploya une activité et un entrain extraordinaires. Les bâtimens étaient délabrés. Les meubles les plus nécessaires faisaient défaut. Tantôt la serpe et tantôt le marteau à la main, Mlle d’Aumale s’employait à tout, en particulier à la confection des couchettes destinées aux quelques demoiselles de Saint-Cyr que Mme de Maintenon confiait également à l’abbesse de Gomerfontaine avec cette recommandation touchante : « Si jeune que vous soyez, traitez-les en mère[1]. » Mlle d’Aumale n’avait pas seulement à pourvoir à l’éducation des pensionnaires, elle avait à s’occuper discrètement d’une tâche plus délicate, celle de rectifier l’orthographe de la jeune abbesse, qui avait elle-même besoin de leçons, car elle écrivait à Mme de Maintenon des lettres d’une incorrection déplorable, dont celle-ci, qui se piquait de savoir, lui faisait de doux reproches. Les lettres de l’abbesse n’ont pas été conservées, mais nous avons celles de

  1. Manuscrits du Grand séminaire de Versailles. Avis sur les Classes, t. II .