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des résolutions fâcheuses ou des choix malheureux qu’on lui attribue généralement, et il la vengée ainsi des attaques dirigées contre elle par ces deux calomniateurs de génie, Saint-Simon et Michelet. Jusqu’à quel point cette influence s’étendait-elle sur Louis XIV ? A quelle limite s’est-elle arrêtée ? Il y a là une énigme historique. Mais cette énigme se complique d’une seconde : c’est l’impression différente produite par elle sur ses contemporains et sur la postérité.

Aujourd’hui, ceux qui savent les choses rendent volontiers justice à Mme de Maintenon. Sainte-Beuve disait, il y a déjà quarante ans, au moment de l’apparition de la publication de l’ouvrage du duc de Noailles : « Le moment est bon pour parler de Mme de Maintenon. On lui revient. » Aujourd’hui, on lui revient davantage encore, surtout depuis que sa correspondance, publiée non, par malheur, en totalité, mais en grande partie, et dégagée des falsifications de La Beaumelle, l’a fait apercevoir sous un nouvel aspect. On sait l’admiration inspirée à Napoléon par les lettres même falsifiées et tronquées de Mme de Maintenon qui, disait-il, « le ravissaient, » et qu’il mettait au-dessus de celles de Mme de Sévigné. Mais ceux-là mêmes qui sont disposés à la juger avec le plus de bienveillance sont d’accord pour lui refuser le charme. Ses contemporains, meilleurs juges que nous assurément, lui en trouvaient cependant, et la postérité a tort de ne pas le comprendre. Aux yeux de notre imagination, elle apparaît toujours un peu revêche, froide, embéguinée, la figure chagrine, la tête environnée d’une coiffe noire, telle que nous la représente un portrait, souvent reproduit. Nous oublions qu’il y avait un temps où on l’appelait la belle Indienne, en souvenir des années qu’elle avait passées à la Martinique, un temps où elle inspirait à la fois la passion brutale de Villarceaux qui, par elle éconduit, cherchait à se consoler de la façon singulière que l’on sait, les assiduités compromettantes de Barillon auquel, plus tard, la connaissant mieux, échappait cet aveu : « Je me trompais bien, » l’amitié galante du maréchal d’Albret, qui, mourant dans la dévotion, lui adressait à ses derniers momens une lettre touchante, enfin l’intérêt affectueux, mêlé d’un peu de coquetterie, de ce chevalier de Meré que Sainte-Beuve a pris pour type de l’honnête homme au XVIIe siècle. On pourrait encore allonger la liste. Nous avons peine à imaginer ce que Mlle de Scudéry disait de ses yeux « noirs, brillans, doux, passionnés,