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publications diverses relatives à Mme de Maintenon, ont tiré de courtes, mais fréquentes citations, et Lavallée en préparait la publication complète lorsque la mort est venue le surprendre. Une obligeante communication a fait arriver entre mes mains le manuscrit qu’il destinait à l’impression, ainsi qu’une variante de ces mêmes Souvenirs, dont Monmerqué, le membre érudit de l’Académie des Inscriptions, auquel on doit tant d’éditions correctes, avait projeté de son côté la publication[1].

La possession de ces rares documens m’a donné la pensée de faire revivre quelques instans pour les lecteurs de la Revue les traits de cette très aimable et spirituelle personne. Cependant ni sa vie, après tout fort effacée, ni son agrément personnel auquel on rendra, je crois, justice, ne m’auraient paru prêter matière suffisante, si elle n’avait été, pendant quatorze ans, la secrétaire d’une femme dont on ne saurait se lasser de parler, parce que son existence, si profondément qu’elle ait été fouillée, continue à receler plus d’un mystère. Depuis sa vertu, contestée au temps où elle était la femme de Scarron, jusqu’à son union régulière avec Louis XIV dont la preuve authentique n’a jamais pu être fournie, que de points demeurés obscurs dans cette existence ; et si, comme je le crois, ceux qui ont étudié les choses de près ont raison de ne vouloir douter non plus de l’une que de l’autre, combien il demeure difficile de mesurer la part exacte d’influence qu’elle a exercée sur les événemens qu’elle a vus se dérouler sous ses yeux ! Dans une récente série d’études, j’ai eu l’occasion de montrer cette influence s’exerçant discrètement, mais sans relâche, autour de la Duchesse de Bourgogne, ne demeurant étrangère à rien, et réputée si grande par tous qu’il n’était demande qu’on ne fît passer par son canal. Et cependant l’auteur d’une solide et assez récente étude sur elle[2] a pu soutenir, avec preuves à l’appui, qu’il ne fallait point la tenir pour responsable

  1. L’original du manuscrit, dont Lavallée a fait faire une copie collationnée, est aujourd’hui à Florence, à la bibliothèque Laurentienne. Il provient de la vente des papiers de lord Ashburnham, qui le tenait de Libri. On sait comment Libri se l’était procuré. Je dois communication de cette copie à M. le comte Fleury, l’aimable auteur de tant de publications historiques intéressantes, qui la tenait lui-même de M. Baret de Beaupré, héritier de Lavallée. Quant à la variante, elle provient des papiers de Monmerqué, et est aujourd’hui la propriété de mon confrère, M. Hanotaux. Dans une publication que nous préparons de concert, d’amples explications seront données sur l’origine, les ressemblances et les différences des deux manuscrits.
  2. Voyez la préface que M. Geffroy a mise en tête de ses deux volumes intitulés : Madame de Maintenon, d’après sa correspondance authentique.