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plus une politique que le parti républicain n’a jamais négligé de défendre, et que le gouvernement actuel n’a jamais cessé de pratiquer. » En parlant ainsi, M. le président du Conseil a commis une mauvaise action, et peut être une faute. Aux membres du centre et de la droite qui s’étaient montrés patriotiquement disposés à oublier les griefs qu’ils pouvaient avoir contre sa politique intérieure, pour défendre avec lui un intérêt commun à tous les partis, puisque c’était l’intérêt de la France, il a répondu par l’affirmation provocante de cette même politique intérieure, en invitant tous ceux qui n’en étaient pas partisans à « rester fidèles à leur opposition » et à voter contre lui. C’est ce qu’a fait M. de Mun qui s’apprêtait sans doute à voter avec le gouvernement, et c’est ce qu’a fait M. Ribot lui-même en s’abstenant. Il y a, en vérité, dans les discussions parlementaires ainsi conduites, des momens bien difficiles, et aussi bien douloureux pour les hommes de bonne foi, placés dans l’alternative de compromettre leur opinion sur un point qu’ils considèrent comme vital, ou l’ensemble de leur altitude et leur dignité elle-même : et il est bien difficile, en pareil cas, de faire un reproche à ceux qui se déterminent dans un sens, ou à ceux qui le font dans l’autre. Mais il faut convenir que M. le président du Conseil a donné un solide argument à ceux qui estiment qu’une opposition doit être systématique et voter contre le gouvernement toujours et quand même. C’est une leçon dont ils garderont sans doute le souvenir. Quant aux exercices de voltige parlementaire auxquels il se livre, passant d’une majorité à une autre avec une égale insouciance des intérêts qui sont chers à celle-ci ou celle-là, nul ne peut dire s’ils lui réussiront longtemps encore ; mais tout le monde commence à croire que son gouvernement n’en sortira ni moralement grandi, ni matériellement fortifié.

Ce ne serait pas donner une idée complète de ce débat que de ne pas parler d’un incident qui y a occupé une place considérable. L’extrême gauche radicale a réclamé impérieusement pour la commission du budget la communication d’un rapport confidentiel du général Voyron, commandant de notre corps expéditionnaire en Chine. Ce rapport, elle l’a. L’infidélité, ou, comme l’a dit autrefois M. le président du Conseil dans une circonstance analogue, la félonie d’un employé du ministère de la Marine l’a fait tomber entre ses mains, et les journaux en ont déjà publié un extrait plus ou moins exact et d’ailleurs assez obscur. Alors, pourquoi le demander ? Est-ce pour couvrir le fonctionnaire coupable ? Est-ce pour faire du gouvernement son complice, et le soustraire par là au châtiment qu’il mérite et qu’il aurait