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leur donner des indemnités immédiates, comme à tous ceux qui ont souffert de la dernière crise. Il y aurait quelque chose, non seulement d’odieux, mais d’absurde, à les traiter plus mal que les autres, et, par exemple à décider qu’ils ne seraient indemnisés qu’au fur et à mesure des versemens chinois. Ces versemens devant durer trente-neuf ans, voit-on les missionnaires obligés de reconstruire, chaque année, pendant ce laps de temps, le trente-neuvième de leurs écoles ou de leurs hospices ? M. le président du Conseil a eu la parole particulièrement heureuse lorsqu’il a dit, faisant allusion à ce qui arriverait si la proposition de M. Hubbard était acceptée : « A quel spectacle allons-nous assister ? Tous les hôpitaux orthodoxes ou anglicans, toutes les écoles anglicanes ou orthodoxes vont se relever et s’ouvrir, et près d’eux, dans leur ombre, des hôpitaux français, des écoles françaises, il ne restera que des ruines, et on pourra dire : Là, fut le protectorat français ! »

Cette comparaison entre ce que feront les autres puissances pour leurs protégés et ce que nous ferions, ou plutôt ce que nous ne ferions pas pour les nôtres, était trop saisissante pour ne pas frapper l’esprit de la Chambre et ne pas déterminer son vote, à supposer qu’il fût hésitant. M. le président du Conseil l’a senti et en a été rassuré : il l’a même été à l’excès. Certain désormais d’avoir sa majorité, n’a jugé inutile de ménager davantage le centre de la Chambre auquel ses amis de l’extrême-gauche l’accusaient d’avoir fait trop de concessions. Il a voulu leur montrer qu’il n’en était rien, que quelques phrases de rhétorique ne l’engageaient pas, et qu’en tout cas, il savait se dégager lorsqu’il le jugeait à propos. Dans une séance ultérieure, à une question de M. de Mun qui lui demandait, avant de voter les 265 millions, s’il était bien entendu que les missionnaires seraient traités comme les autres indemnitaires, il a répondu que oui et donné à cet égard la garantie qui lui était demandée ; mais il a continué en repoussant d’un geste dédaigneux les voix qui lui étaient offertes, comme s’il craignait d’en perdre à gauche à mesure qu’il en gagnerait à droite ou au centre. Or les premières lui sont infiniment plus précieuses que les secondes. « J’ai entendu, a-t-il dit, l’honorable M. Cochin déclarer qu’il ne voterait pas l’emprunt parce que nous n’avions pas sa confiance ; j’ai entendu M. Millevoye apporter ici la même déclaration. J’ai le droit de n’en être ni surpris, ni affligé, et sans nul doute ils ont raison de rester fidèles à leur opposition, ainsi que le ministère demeurera fidèle à sa propre politique. C’est donc à la majorité républicaine que le gouvernement s’adresse pour faire prévaloir une fois de