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pas parlé autant en avocat qu’en homme politique. Nous ne scruterons pas quel degré de conviction personnelle se cachait sous cette virtuosité de parole, qui avait été rarement aussi souple et aussi brillante. Au surplus, qu’importe ? M. Waldeck-Rousseau a défendu le protectorat catholique de la France comme l’avaient fait tous ses prédécesseurs.

Chef d’un ministère qui compte des socialistes parmi ses membres, il a déclaré que le maintien strict de notre protectorat était un devoir pour lui. Sans doute, a-t-il dit, quelques abus ont pu être commis, mais ce n’est pas un motif suffisant pour condamner toute une institution. Et, à côté de ces abus, comment oublier les services rendus autrefois, rendus aujourd’hui encore par les missions et par les missionnaires ? M. Waldeck-Rousseau les a montrés ouvrant à leurs risques et périls la Chine à l’Europe, qui l’ignorait et la redoutait. Il ne s’en est pas tenu là. Des missionnaires, il est passé à l’Église catholique elle-même, et n’a pas craint de reconnaître que, pendant le moyen âge et jusqu’aux confins des temps modernes, elle a été la haute éducatrice de l’esprit humain. L’extrême gauche déconcertée se demandait si c’était bien M. Waldeck-Rousseau qu’elle entendait. D’autres discours, qui sont d’hier, lui revenaient à la mémoire. Était-ce le même homme qui avait prononcé ceux-ci et qui prononçait maintenant celui-là ? Et M. Waldeck-Rousseau ajoutait imperturbablement : « Que voulez-vous ? Ce n’est pas ma faute si la Révolution française n’a eu lieu qu’à la fin du XVIIIe siècle, et si l’esprit humain est resté si longtemps à l’école de l’Église. » Mais, s’apercevant tout d’un coup que la corde, trop tendue du côté de la gauche, menaçait de rompre : « Oui, Messieurs, a-t-il continué, ce despotisme de l’Église a duré sur nos intelligences jusqu’à ce qu’enfin la réforme, la philosophie de l’avant-dernier siècle, la Révolution française sont venues l’affranchir. » Et la gauche a respiré ! Si ce ne sont pas là des citations tout à fait littérales du discours de M. Waldeck-Rousseau, ni le sens, ni le mouvement n’en sont altérés. On y voit un merveilleux exemple de prestidigitation oratoire, la philosophie de Voltaire, d’ailleurs si bienveillante aux Chinois, la Révolution française elle-même n’ayant pas jusqu’à ce jour produit leurs effets naturels en Chine, les missionnaires catholiques sont peut-être encore les seuls agens de notre civilisation qui puissent y pénétrer et s’y établir sur tous les points. En tous cas, ce sont les seuls qui le font. La plupart sont nos compatriotes, les autres sont nos protégés. M. Waldeck-Rousseau ne les abandonnera pas. S’il réclame un emprunt de 265 millions, c’est pour