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qui consiste à exclure de l’indemnité toutes les sociétés qui, en France, ne justifieraient pas de leur existence légale, mêlant ainsi le droit français à ce qui est le droit international public, et faisant une véritable confusion. Voilà les questions que je pose. Si le gouvernement veut bien les résoudre dans le sens que j’indique, et qui est le sens vrai et le sens français de la question, je demanderai à mes amis de voter cet emprunt et d’affirmer ainsi les droits de la France et cette politique traditionnelle qu’on a traitée si légèrement, et qui reste un des facteurs essentiels de la grandeur de la République. » La question était nette. L’agitation de la gauche, ses violences même, car M. Ribot a été l’objet d’injures et de menaces qu’on n’a pas l’habitude d’entendre dans une enceinte parlementaire, donnaient à son attitude une signification plus expressive. Suivant la réponse qu’il ferait, M. le président du Conseil aurait ou n’aurait pas la majorité, car elle dépendait à ce moment de l’adhésion des progressistes du centre. Quelque résolue que fût leur désapprobation de la politique générale du ministère, ils estimaient se trouver dans une de ces circonstances où l’intérêt supérieur et permanent du pays doit être mis au-dessus de l’intérêt accidentel qu’il peut y avoir à soutenir ou à renverser un cabinet. Quant à la droite, elle a pris position par un discours éloquent et spirituel de M. Denys Cochin, mais qui n’a peut-être pas été habile au même degré. M. Cochin a déclaré que, désapprouvant la combinaison financière proposée, il ne pourrait la voter que par confiance dans le gouvernement. Or, cette confiance, il ne l’éprouvait pas. Dès lors, il voterait contre. La situation parlementaire se présentait donc comme il suit : l’extrême gauche, la droite et un petit nombre de progressistes étaient contraires à l’emprunt de 265 millions ; la gauche ministérielle y était favorable, et, le centre, sous l’impulsion de M. Ribot, l’était aussi, mais conditionnellement.

La condition mise à son concours était, on l’a vu, que le gouvernement défendrait résolument notre protectorat catholique. Le discours de M. le président du Conseil, attendu avec non moins de curiosité que d’impatience, a donné pleine satisfaction à M. Ribot. De l’aveu commun, M. le président du Conseil a été bien inspiré au point de vue oratoire, et il a montré, au point de vue politique, toute l’habileté dont il avait besoin dans une situation délicate. Il devait, en effet, mécontenter un certain nombre de ses amis de la gauche pour conquérir les voix du centre, et le problème était de les mécontenter le moins possible afin de les retrouver fidèles le lendemain. Dans ces conditions, nous ne rechercherons pas si M. Waldeck-Rousseau n’a