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On conviendra que l’argument est singulier sous la plume du rapporteur de la commission du budget. Mais quel droit, quelle compétence a la commission du budget pour l’énoncer ? C’est une commission purement financière, et non pas un comité de gouvernement. Elle n’a pas reçu de la Chambre le mandat de mettre en cause toute notre politique extérieure, non plus d’ailleurs que notre politique intérieure. Son rôle est beaucoup plus restreint, spécial et technique. Mais elle ne s’en embarrasse guère, et M. Hubbard conclut, eu son nom, que nous devons mettre la répartition de l’indemnité « en harmonie avec toute notre législation civile et avec toute notre politique intérieure. » La même règle doit s’appliquer au monde entier. Si elle est utile sur un point, elle doit l’être sur tous, car enfin les hommes se ressemblent partout. M. Hubbard en juge par lui-même : ne ressemble-t-il pas à un Boxer lorsqu’ils sont l’un et l’autre en présence d’un missionnaire ? Leur premier mouvement est le même. On ne saurait protester assez haut, ni assez fermement contre cette conception. Il n’est pas vrai que les hommes soient partout les mêmes. Notre législation civile est faite pour nous seuls : trop heureux lorsqu’elle nous convient ! Mais, si elle convenait à d’autres, certainement elle nous conviendrait moins à nous-mêmes ; et, réciproquement, si elle nous convient vraiment à nous-mêmes, elle ne convient pas aux autres. Elle ne saurait surtout convenir en même temps à nous et aux Chinois. Les Européens n’ont pu pénétrer dans les pays d’Orient et d’Extrême-Orient, qu’en s’y assurant des conditions d’existence particulières. Leur civilisation était trop différente de celle de ces pays lointains pour qu’ils pussent s’y plier ; ils n’ont pu que la respecter, tout en exigeant le respect de la leur. De là sont nés les Capitulations, qui régissent la situation des Européens en Orient, et les conventions et traités plus récens, qui ont créé quelque chose d’analogue en Extrême-Orient. Il y a eu parfois, cela était inévitable, des difficultés et des heurts. Les missionnaires n’ont pas toujours été très prudens, mais les Chinois ont été encore plus fréquemment fanatiques, et c’est l’origine du long martyrologe qui rappelle, par le sang de chacune des victimes, les étapes de nos progrès dans ces contrées si longtemps murées et encore obscures. Histoire glorieuse, en somme. On peut en indiquer le véritable caractère en disant que les missionnaires catholiques ont été les premiers à ouvrir le continent jaune à l’Europe, et que personne encore n’y a pénétré aussi profondément qu’eux, ni aussi intimement. Ce que nous en savons de plus sûr, nous le leur devons. Encore aujourd’hui, au moyen du protectorat