mais, cette part faite à la bonne et saine politique, il a tenu, suivant les circonstances, un langage propre, tantôt à satisfaire telle partie de la Chambre, tantôt à flatter telle autre, revenant toujours à l’extrême gauche qu’il songeait surtout à ménager, et opérant ainsi, à travers les votes successifs, des déplacemens de majorité, grâce auxquels il a pu jusqu’ici se tirer personnellement d’affaire, mais qui ont encore augmenté le désordre général. Au reste, le ministère actuel ne craint pas ce désordre : il en est né, il l’a aggravé, il en vit.
Revenons au rapport de M. Hubbard : c’est un monument original dans nos annales parlementaires. Tout ce qu’on a dit dans les journaux radicaux et socialistes sur les missions et sur les missionnaires, tout ce qu’on en pense dans les loges maçonniques où M. Hubbard occupe une place et remplit des fonctions considérables, tout ce que l’ignorance et la passion antireligieuse ont imaginé sur leur compte et si souvent répété, se retrouve dans cet étrange factum. D’après M. Hubbard, ce sont les missionnaires seuls qui sont responsables de la révolution chinoise et des horreurs qui l’ont accompagnée. Ils sont en Chine comme un corps étranger dans un organisme vivant, et non pas un corps inerte et inoffensif, mais un virus malfaisant qui fermente et répand la fermentation autour de lui. Sans eux, le monde occidental serait dans les meilleurs termes avec la Chine ; car, enfin, que lui voulons-nous, sinon la faire généreusement profiter des bienfaits de la civilisation qui, de sa nature, est laïque ? Les missionnaires sont venus tout gâter. M. Hubbard ne se console pas à la pensée qu’ils sont nos protégés. « C’est, dit-il, la constante et regrettable intervention de toute notre influence politique au profit des missions catholiques indigènes organisées comme un État dans l’État chinois, en rébellion souvent ouverte avec les autorités et les lois chinoises, qui a peu à peu préparé l’explosion des sentimens violemment xénophobes de tant de lettrés et d’indigènes chinois. » Voilà l’accusation : la guerre a été fomentée par les missionnaires, elle a été faite pour eux. Elle est « le fruit direct de cette politique traditionnelle qui met toute la force de notre action en Chine au service d’un prosélytisme confessionnel, fatalement condamné à surexciter les résistances populaires les plus vives. » Ainsi, pour M. Hubbard, ce sont les Chinois qui avaient raison contre nous lors des derniers événemens. Ils ont pu commettre des excès de détail ; mais le mouvement auquel ils ont cédé était légitime dans son principe. C’était celui de patriotes qui voulaient se débarrasser de l’étranger.
S’il en est ainsi, de quel droit leur avons-nous réclamé une indemnité ?