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Il est bien difficile de prévoir ce qui se passera en Chine pendant trente-neuf ans, et peut-être plus difficile encore de croire qu’il ne s’y passera rien que de parfaitement régulier. N’importe, nous sommes nantis d’une créance : la pensée devait venir à l’esprit de la réaliser tout de suite, au moyen d’un emprunt auquel elle servirait de gage, et, comme le crédit de la France est supérieur à celui de la Chine, il y aurait même un profit sur la différence des intérêts. L’opération se fera par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignations. Personne n’en a contesté la légitimité, mais l’utilité n’en a pas été reconnue par tout le monde, et, de plus, des critiques ont été faites sur le chiffre de 265 millions, qui devait être celui de l’emprunt comme il était celui de l’indemnité. La commission du budget, notamment, soutenait qu’il n’était pas nécessaire d’en emprunter la totalité, et, après avoir hésité entre plusieurs chiffres, elle s’était arrêtée à celui de 210 millions. Sur cette somme, 195 millions devaient servir à rembourser le trésor de ses dépenses ; quelques millions devaient pourvoir au coût matériel de l’opération ; le reste enfin devait être attribué aux particuliers victimes de la crise chinoise. Et les missionnaires, que devenaient-ils dans ce système ? Ils étaient tous mis hors du droit commun. La commission distinguait toutefois entre eux. Les uns, ceux qui appartenaient à des congrégations reconnues chez nous, devaient être payés au fur et à mesure des versemens chinois : les autres ne devaient toucher rien du tout. N’ayant pas le droit de vivre en France, on les supprimait du même coup en Chine. Et la commission faisait, de ce chef, une économie qui réduisait de 265 à 210 millions la somme à demander à l’emprunt.

La lutte s’est établie entre ces deux chiffres, le premier comprenant l’indemnité pour les missionnaires et le second ne la comprenant pas. Plus tard, la commission du budget a faibli. En dépit de son rapporteur, elle a accepté le chiffre de 265 millions demandé par le gouvernement, mais en maintenant l’exclusion des missionnaires. Il y avait là une contradiction difficile à soutenir. Au surplus, nous renonçons dès maintenant à relever toutes les contradictions qui se sont produites au milieu de ces séances confuses et incohérentes. Jamais encore la Chambre n’avait donné le spectacle d’une pareille anarchie morale : ce n’était plus une assemblée parlementaire ; c’était une de ces réunions publiques, où tout est livré au hasard des violences des uns et des impressions plus ou moins fugitives des autres, au milieu du désarroi universel. Le gouvernement a maintenu avec quelque fermeté, il faut le reconnaître, notre protectorat catholique ;