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les comparaisons de Racine étaient tirées « du feu, » celles de Quinault le sont généralement « de l’eau. » Dans Grisélidis, les comparaisons, voire les appellations d’amour, sont invariablement empruntées à l’ornithologie : « Garder captif l’oiseau dont l’aile s’ est posée, — Si confiante, dans ma main ! — Oiseau qui vole à tire-d’aile. — Sous les coups d’un oiseau de proie, — L’oiselet est tombé du nid. » Et la musique, loin de relever ces fadeurs, les affadit encore. Elle tombe, avec la poésie, dans l’affectation, la mièvrerie et la mignardise, dans le pathos édifiant et larmoyant à la fois. Pourquoi faut-il qu’un Massenet, qui fait tout ce qu’il veut, ne veuille point assez tout ce qu’il fait ; qu’il ne le veuille au moins que mollement, avec trop de complaisance pour la foule et pour lui-même, pour ses charmantes et dangereuses faiblesses !

Quelqu’un a dit : « Le style est une habitude de l’esprit. » Et Joubert, qui rapporte le mot, ajoute avec profondeur : « Heureux ceux dans lesquels il est une habitude de l’âme. L’habitude de l’esprit est artifice ; l’habitude de l’âme est excellence et perfection. » Trop de pages de Grisélidis ne trahissent que l’artifice. Habitude de l’esprit, ces mélodies qui montent toutes, emportées moins par une force égale, et qui dure, que par une spasmodique violence. Habitude de l’esprit, les brusques oppositions, trop familières à M. Massenet, du paroxysme et de la défaillance, de l’excitation et de la langueur. Artifice enfin, tant d’effets trop faciles et trop connus : effusions de harpes, cadences ou codas qui se traînent et se pâment, à moins qu’elles ne se précipitent, et ne se contournent ou ne se tortillent ; Angélus, Ave Maria dans la coulisse, cloches, harmonicas, accords pseudo-grégoriens à la fin des prières et chutes mourantes de la voix au terme des romances d’amour.

Mais voici l’excellence et la perfection ; voici l’habitude de l’âme. Le soir tombe et l’épouse fidèle songe, en regardant la mer, à l’époux qui s’en est allé.


Il partit au printemps ! ... Voici venir l’automne.
Qui dépouille, d’un souffle égal et monotone,
Le bois, de ses rameaux, mon cœur, de son espoir.


Si nous citons ces trois alexandrins, c’est pour que ceux qui les entendent ou les lisent dans la partition observent quelle beauté la musique leur donne, comme elle en respecte la métrique et l’agrandit à la fois, comme elle les dilate et les élève. Elle fait d’eux une noble stance, d’un sentiment profond, où tout est simple, sincère, infiniment