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rayons cathodiques devraient être appelés rayons de Hittorf, pour la même raison et au même titre que les rayons X sont appelés rayons de Röntgen et les rayons radio-actifs, rayons de Becquerel.

A côté de Hittorf, il faut signaler Hertz, Wiedemann et Ebert, Schmidt, Lenard et J. J. Thomson, dont les travaux se développèrent lentement jusqu’en 1895. Brusquement, à cette époque, apparut la découverte de Röntgen : les recherches en reçurent une vive impulsion. On vit se succéder, en peu d’années, à l’étranger, les publications de Birkeland, de Majorana, de W. Wien, et, en France, celles de J. Perrin, Villard, Deslandres et H. Poincaré.

Ces nombreux travaux ont un double objet. On se proposa, d’une part, de compléter l’étude expérimentale des phénomènes — et, d’autre part, d’en fournir l’explication. La tâche est dans les deux cas fort attachante : mais l’intérêt de la question théorique est incomparable. On voit, en effet, se renouveler ici, sur ce terrain particulier des phénomènes cathodiques, la querelle qui, pendant plus d’un siècle, avait divisé les physiciens relativement à l’interprétation des phénomènes lumineux. Les rayons cathodiques ne sont point des rayons lumineux, mais leur explication met également aux prises, comme ceux-ci le faisaient, la théorie de l’émission et la théorie des ondulations, la matière pondérable et l’éther. Le procès jugé, au commencement du siècle, à propos de la lumière, s’engage à nouveau à son déclin, à l’occasion de l’électricité. Les péripéties et les coups de théâtre se succèdent : avec Crookes, en 1880, c’est l’émission qui triomphe : le rayon cathodique semble décidément une projection matérielle, une trajectoire balistique ; avec Lenard, en 1894, qui fait pénétrer les rayons cathodiques dans le vide sans que celui-ci cesse de se maintenir, on est ramené à un substratum immatériel, à des radiations éthérées : J. J. Thomson, en 1897, revient à l’émission de particules, mais ces projectiles ne sont plus des molécules, des atomes ou des ions — dernier degré admis jusque-là, de la divisibilité de la matière — ce sont des fragmens d’atomes, des corpuscules atomiques. Enfin, M. Villard, en 1899, précise la nature de ces corps ; il les montre formés d’hydrogène ; il en fait des corpuscules ou fragmens d’atome d’hydrogène. On constate, en effet, que les rayons cathodiques présentent le spectre de l’hydrogène ; et, s’il arrive qu’on réussisse à éliminer toute trace de ce gaz, on supprime du même coup l’émission cathodique.