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l’insurrection et l’insurrection à la révolution. Le vide se fait, sinon autour de la monarchie, du moins autour de la reine. C’est comme un immense retraimiento de tout le pays. Il y a toujours des monarchistes ; il y en a même de plusieurs espèces : — des montpensiéristes, qui se déclarent pour la sœur de la reine, la Duchesse de Montpensier ; — des alphonsistes, déjà, qui se déclarent pour son fils, Don Alphonse ; — il y a des carlistes, qui se réveillent ; il n’y a plus pour ainsi dire d’ « isabéliens » ou « isabélistes. » O’Donnell, en mourant, ne l’est plus (5 novembre 1867), et, six mois après (23 avril 1868) : « Esto se acabo ! C’est fini ! » dit Narvaez en mourant. C’est fini ; non pas seulement lui, Narvaez, non pas seulement eux, O’Donnell et lui, non pas seulement sa vie et leur rivalité ; mais tout cela, car, dans le vague, dans l’indéterminé de « cela, » il y a tout ; esto, ce que je lus, ce qui était, ce règne et cette reine.

Par delà, c’est l’inconnu, mais on en a moins peur que l’on n’a horreur du trop connu, et l’on y entre d’un pas allègre, comme avec des fanfares. Les sociétés secrètes ne sont plus secrètes : — — grand signe de faiblesse dans le gouvernement ; le complot a un local, une enseigne, une bannière : le Centro de los Conjurados ; il s’étale sur la place publique et parade à la Puerta del Sol. Depuis le mois de mars de cette année 1808, un accord est intervenu entre l’Union libérale, — monarchistes, mais montpensiéristes ou alphonsistes, — et les progressistes, déjà unis aux démocrates. Comme il serait difficile de s’entendre formellement sur un programme, on le réserve, et, en attendant, on se contente d’un programme tout négatif, de l’ancien, de celui qui servait déjà à atteler et à faire marcher ensemble démocrates et progressistes : « détruire tout ce qui existe dans les hautes sphères du pouvoir. » N’est-ce pas toujours par là qu’il faut commencer, — par détruire ? La politique absurde de Gonzalez Bravo, qui préside le ministère, précipite le dénouement. Des chefs aimés et respectés de l’armée, Serrano, Dulce, Jovellar, Cordoba, appartenant à l’Union libérale, penchaient vers la Duchesse de Montpensier ou vers Don Alphonse XII, mais pouvaient hésiter encore ; quelques égards les eussent peut-être ramenés, et, par eux, se fût raffermi le trône. Il y avait alors à nommer deux capitaines-généraux, disons deux maréchaux d’Espagne. Gonzalez Bravo alla choisir deux militaires de valeur, mais deux réactionnaires avérés, Concha, marquis de la Habana, et Pavia, marquis de