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quatre ans et demi, dont sept échouent et le huitième est une révolution ; ou, plus exactement, il exécute en huit temps ou en huit reprises un long pronunciamiento de quatre ans et demi.

Dans les ardeurs du début, il bat le fer tandis qu’il est chaud, et même avant qu’il soit chaud. Il laisse passer à peine un mois, et, le 6 juin, il reprend le coup manqué le 4 mai. Mais il est dénoncé, et naturellement manque encore son affaire. Il juge prudent de partir pour la France. C’est le deuxième « raté » et le premier exil de cette série qui va compter presque autant d’échecs que de pronunciamientos, et presque autant d’exils que d’échecs. Vers la fin de juillet, il revient : ce sera pour la nuit du 6 au 7 août ; mais un sergent bavarde, on l’interroge, il avoue ; plus moyen de remuer. Troisième « raté, » le ministère autorise de nouveau et invite Prim à voyager ; il s’y refuse, on l’interne, on le cantonne en résidence forcée à Oviedo. En même temps on recherche les officiers qui ont servi sous ses ordres, et, par prudence, on les écarte. Mais les circonstances redeviennent meilleures ; un changement de ministère permet à Prim de se soustraire à la surveillance, et de rentrer à Madrid.

Jusqu’alors, c’était de Madrid et à Madrid qu’il avait opéré ; mais peut-être était-ce trop au centre et trop sous la main du gouvernement. Si l’on changeait de tactique ou du moins de terrain ; si l’on essayait d’un mouvement en province, dans une grande ville de l’Est, progressiste, démocrate et républicaine ? Non pas sans doute en Catalogne ; les souvenirs de mai et de juin 1843 n’y étaient point assez brillans, et, s’il devait échouer une fois de plus, Prim aimait mieux que ce ne fût pas devant ses concitoyens et par eux. Mais un peu plus bas, à Valence, assez loin pour que l’insuccès y soit moins pénible, assez près pour que le succès conserve et exerce jusqu’en Catalogne sa force d’irradiation et de propagation. Prim se décide donc pour Valence et s’occupe de nouer ou de renouer des intelligences dans la place. Quand c’est fait et qu’il croit les choses suffisamment avancées, il part ostensiblement, avec toute sa famille, pour Paris, où la police espagnole se hâte de le suivre. Mais il lui reste la liberté de tomber malade, et il en use ; l’ambassade se sent émue d’une vive sollicitude et chaque jour fait prendre de ses nouvelles, qui ne sont bonnes et rassurantes que pour elle : la porte du général est d’autant plus sévèrement consignée qu’en ce moment même