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pertes, à la situation réelle du pays et des chemins de fer, il est évident que l’ordre de choses exigé par les jurisconsultes, cet ordre « équivalant à la paix, » n’existe pas dans l’Afrique du Sud ; que la lutte horrible engagée il y a deux ans est loin d’être décidée ; que la contestation n’est pas tranchée ; que la résistance se prolonge ; que les Boers sous les armes, infligeant encore de cruelles défaites à leurs adversaires, sont loin d’être définitivement vaincus ; et que, par conséquent, la prétendue conquête de l’État libre d’Orange et de la République Sud-Africaine, ne répondant pas aux conditions nécessaires suivant le droit des gens, n’étant pas prouvée par les faits, n’est pas une conquête, n’en était pas une au moment où les proclamations d’annexion furent publiées, et ne l’est pas même aujourd’hui. D’où il suit que toutes les mesures prises par le gouvernement anglais, en se fondant sur cette fausse prétention de la conquête, sont entachées d’illégitimité.

Les burghers, notamment, combattant comme le droit et comme les lois de leur pays leur en imposent le devoir, pour l’indépendance de leur patrie, ne sauraient être châtiés dans leurs personnes ou dans leurs biens, ni bannis s’ils sont faits prisonniers. Ce ne sont pas des rebelles, par ce motif que ce ne sont pas des sujets de la Couronne britannique.

Par l’article 4 du traité de Londres de 1884, la Grande-Bretagne n’avait reçu qu’un droit de contrôle sur les traités que la République Sud-Africaine désirerait conclure, et encore en était exclu le contrôle sur les traités passés avec l’Etat libre d’Orange ; elle n’avait reçu qu’un droit de contrôle imparfait ; pour tout le reste, la République du Transvaal restait entièrement libre de ses actes, elle avait conservé la pleine liberté de régler ses affaires intérieures, et même le droit de faire la guerre, droit dont elle a usé contre des tribus indigènes ; ce qui met hors de doute que les burghers de cette République n’étaient pas, avant la proclamation d’annexion, des sujets de Sa Majesté britannique. Mais nous avons démontré que cette proclamation ne suffit pas pour les placer sous cette souveraineté ; et, si cela est vrai des burghers de la République Sud-Africaine, cela est bien plus vrai encore de ceux de l’Etat libre d’Orange, puisque cette république n’a jamais été unie à l’Angleterre par le moindre traité ni liée à elle par le fil le plus mince.

Bannir et déporter (aux îles Bermudes) des hommes pris dans